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Les ressources du sous-sol bolivien : mirage ou véritable El Dorado ?
06/01/2012

Eric Pirard

 

 

 

 

Par Eric Pirard
Professeur à l’Université de Liège, Faculté des Sciences Appliquées
GeMMe – Géoressources Minérales

Texte publié sur le site du GRESEA (Groupe de Recheche pour une Stratégie Economique Alternative)


Des ressources bien mal connues

Les ressources minérales font partie, au même titre que l’eau, les combustibles fossiles, les forêts primaires et l’air que nous respirons des ressources naturelles. Tout comme l’eau, elles sont très inégalement réparties au sein de la croûte terrestre et contrairement aux ressources végétales, elles ne peuvent être cultivées. « If you can’t grow it, you’ll have to dig it » dit un slogan largement répandu dans le monde minier pour faire accepter cette activité par tous ceux qui en consomment les fruits, souvent sans le savoir.

Les processus géologiques qui ont présidé à la mise en place des ressources minérales sont éminemment variables et souvent encore mal compris. Si l’on peut raisonnablement prédire le type de ressources que l’on pourrait trouver dans une région donnée, en revanche il n’y a pas d’autre moyen que son exploration systématique par des géologues de terrain pour identifier réellement les gisements. Ceux-ci font appel à des techniques d’analyses leur révélant des anomalies géochimiques ou géophysiques situées en surface ou, au mieux, dans les premières centaines de mètres du sous-sol. Sauf exception, les gisements profonds que nous exploitons aujourd’hui sont tous affleurants dans les trois-cent premiers mètres de la croûte terrestre. Parmi les gisements connus, il en est qui ont été engendrés par des phénomènes magmatiques et tectoniques datant de plus de deux milliards d’années, tandis que d’autres sont le fruit de mécanismes de concentration des métaux qui sont liés aux conditions climatiques des derniers milliers d’années. On citera, à titre d’illustration, la région magmatique du Bushveld à proximité de Pretoria qui concentre plus de la moitié des réserves mondiales connues de platine (Cawthorn, 1999) et d’autre part le sol latéritique d’une grande partie de la Nouvelle-Calédonie qui renferme près de 10 % des réserves mondiales de nickel (USGS, 2011).

Très tôt dans l’histoire de l’humanité, il est apparu qu’il n’était pas judicieux d’attribuer la jouissance des ressources du sous-sol au propriétaire terrien, mais qu’il fallait réserver ce privilège au gestionnaire du bien public. Ainsi, tous les codes miniers inspirés de l’époque napoléonienne prévoient un régime particulier de permis d’exploration et d’exploitation du sous-sol assorti d’une fiscalité spécifique destinée : à stimuler la reconnaissance géologique; à favoriser le développement d’infrastructures fort onéreuses mais aussi à assurer des retombées importantes pour l’état propriétaire. Ces dernières années, la majorité des codes miniers modernes ont été revus pour ajouter des clauses explicites concernant la responsabilité environnementale (obligation de prise en compte de la réhabilitation des sites après l’exploitation) et le bénéfice des populations indigènes (implication des communautés locales, respect des traditions culturelles, réalisation d’infrastructures,…). Sans pour autant idéaliser la situation, il faut reconnaître que des progrès importants ont été réalisés dans les pays du Sud, stimulés entre autres par des initiatives telles que l’EITI (Extractive Industries Transparency Initiative).

Dans une perspective de mondialisation, il est malheureux de dire qu’un pays « possède » des ressources minérales car une vision planétaire de la question nous oblige à reconsidérer la problématique de l’exploitation des ressources minérales au bénéfice de toutes les populations (au Nord comme au Sud) et de toutes les générations (actuelles comme futures). De ce point de vue, il serait temps que l’on réfléchisse à une agence internationale des ressources minérales qui aurait pour mission d’établir une véritable solidarité de l’accès aux ressources.

Une Bolivie assise sur un trône en or ?

Sous l’angle strictement géologique, la Bolivie fait partie des pays dont le sous-sol renferme une très grande diversité de gisements. Elle est traversée par d’importantes structures fracturées et plissées qui forment la Cordillère des Andes actuelle. Mais, l’imposant relief aujourd’hui perceptible n’est que la séquelle de mouvements tectoniques relativement récents initiés il y a plus de 200 cent millions d’années. La partie orientale de la Bolivie est quant à elle recouverte de sédiments liés au bassin de l’Amazonie mais laisse apparaître à la frontière brésilienne un socle de roches très anciennes et encore peu explorées (Litherland, 1987).

Bolivie 3

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