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Les ressources du sous-sol bolivien : mirage ou véritable El Dorado ?
06/01/2012

L’expression populaire qui veut que la Bolivie soit dans la situation « d’un mendiant assis sur un trône en or »n’est pas venue des géologues. Elle a été forgée par des siècles d’avidité géopolitique bien plus que par une exploration rigoureuse et circonstanciée du sous-sol. Est-il besoin de rappeler ici que la plus belle découverte des conquistadors espagnols en abordant le Nouveau Monde, fut le fameux Cerro Rico de Potosi et tout un cortège de gisements d’argent (Prieto, 1977). Cette découverte devait bouleverser l’économie européenne, mais elle n’assura jamais l’accès au développement des populations indigènes qui furent le plus souvent réduites au travail forcé dans les mines (la mita). Si la jeune Bolivie indépendante de 1825 était deux fois plus vaste que celle d’aujourd’hui, c’est que des guerres successives, toujours motivées par l’accès aux ressources, ont marqué son territoire. En 1879 le Pérou et le Chili sont aux prises pour le contrôle des gisements stratégiques de nitrate (engrais) sur la côte Pacifique. Il en résultera pour la Bolivie : la perte de l’accès à la mer… et la perte, insoupçonnée alors, d’immenses gisements de cuivre qui ont aujourd’hui pour nom Chuquicamata, Collahuasi, etc… et contribuent largement à la puissance économique du Chili. En 1938, c’est une bonne part du Chaco qui sera perdue au bénéfice cette fois du Paraguay… ou plus exactement des compagnies pétrolières qui le soutenaient. Marquée par ce sentiment permanent d’être dépossédée de ses ressources, la Bolivie devait encore subir la richesse provocante des barons de l’étain dans la première moitié du 20ème siècle et dans la foulée une importante contribution à l’effort de guerre américain de 40-45 sous forme de réserves en étain qui allaient plus tard contribuer à une dévalorisation catastrophique de ce métal et à la nationalisation dès 1952 de toute l’activité minière sous l’égide de la COMIBOL. Dans la dernière moitié du XXème siècle, l’industrie minière nationale déclina faute d’un réinvestissement judicieux dans les structures de production mais aussi en raison du déclin important de l’étain sur le marché mondial.

Que ce soit à tort ou parfois à raison, une véritable suspicion pour les projets d’exploration à capitaux étrangers s’est installée en Bolivie durant cette période. Le soulèvement populaire qui a chassé FMC-Lithco du Salar d’Uyuni dès 1991 ou encore les difficultés de mise en route du gisement d’argent de San Cristobal (aujourd’hui 100% Sumitomo) au début des années 2000 sont assez emblématiques à cet égard. En conséquence de tout cela, les ressources minérales du sous-sol bolivien sont aujourd’hui sous-explorées et ne sont pas correctement évaluées au regard des normes internationales qui établissent des définitions strictes relatives aux notions de réserves prouvées, probables et possibles (voir le Joint Ore Reserves Committee). Le tableau 1 reprend les réserves actuellement connues et l’importance relative de la Bolivie dans le paysage mondial.

Tableau 1 SS BolivienL’autre conséquence immédiate des soubresauts politiques a évidemment été que la Bolivie est rarement considérée comme une terre favorable pour des investissements de très long terme comme ceux qui prévalent dans le secteur minier. Sans surprise, le Fraser Institute a régulièrement classé la Bolivie parmi les destinations les plus risquées pour l’investissement privé dans le secteur minier (en 2009 : 66e sur 72 ; en 2010 : 76e sur 79 => Survey of mining companies) alors que le Chili se classe depuis des années parmi les destinations les plus favorables.

Il faut bien évidemment garder à l’esprit que le classement du Fraser Institute est réalisé sur base d’une enquête auprès des seules compagnies minières et qu’il ne prend nullement en compte le point de vue des gouvernements ou des populations vivant dans les régions minières.

Loin de la politique suivie par ses voisins, la Bolivie d’Evo Morales s’enorgueillit de chercher une voie originale susceptible de maximiser la valeur ajoutée sur le territoire national en évitant l’exportation du minerai brut. Le porte-drapeau emblématique de cette politique est assurément le projet de valorisation du lithium dans le Salar d’Uyuni.

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