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Les ressources du sous-sol bolivien : mirage ou véritable El Dorado ?
06/01/2012

Bolivie 2Les réserves chiliennes sont estimées à environ 7 millions de tonnes sur base d’une exploitation qui couvre près de 1000 km² et d’analyses disponibles sur une profondeur de 40 m (K. Evans, 2008). Comme le font apparaître les analyses du tableau 2, un des avantages décisifs de plusieurs saumures chiliennes est leur teneur relativement très concentrée en Lithium (jusqu’à 1800 mg/l), mais surtout leur très faible rapport Magnesium/Lithium (Mg/li) qui évite de devoir éliminer préalablement une grande quantité de magnesium de la saumure. En comparaison, le traitement des saumures au Salar d’Uyuni doit faire face à un rapport Mg/Li de plus de 20, sans compter les conditions de production à une altitude nettement plus élevée et en étant défavorisé par une infrastructure d’accès encore très déficiente.

Un autre élément non négligeable est lié aux conditions climatiques car l’inondation saisonnière du salar peut paralyser les opérations d’extraction, tandis qu’une aridité réduite rend l’évaporation naturelle des saumures beaucoup moins performante. Selon certaines données disponibles l’évaporation à Uyuni est considérée comme moitié moindre de celle d’Atacama avec de l’ordre de 1500mm/an. D’après Maire ($) les coûts de production seraient de 100 à Atacama pour 150 à Uyuni et 250 dans les exploitations en roche aux USA.

Un défi de taille ou une « compensation lithium »

Le projet national bolivien de valorisation des saumures d’Uyuni est conçu en trois étapes : 1) exploration géologique ; 2) production industrielle de carbonate de lithium et de chlorure de potassium ; 3) production de batteries Li-ion.

La première phase prévue de 2008 à 2011 devrait se clôturer par la mise en route de l’usine pilote de concentration des saumures avec une capacité symbolique de 40 t/mois de Li2CO3 (carbonates de lithium) et de 1000 t/mois de KCl (chlorure de potasse).

Les sondages de reconnaissance du gisement ont été réalisés selon une maille régulière de 5km x 5km, tandis que la zone potentiellement la plus riche située au Sud-Est à l’embouchure du Rio Grande a fait l’objet d’un maillage plus serré de 2km x 2km. Les puits sont généralement très superficiels (1m), mais localement des perforations de 30 m et plus ont été prévues pour mieux évaluer la perméabilité et la séquence de croûtes salines. A ce jour, plus de 7000 échantillons auraient été analysés et une cartographie plus précise des réserves devrait être disponible. Mais rien n’a encore été publié officiellement.

Les responsables boliviens placent beaucoup d’espoirs dans un brevet national de concentration des saumures qui pourrait conduire à la production industrielle de 700 000 t de KCl et 30 000 t de Li2CO3 par an. Toutefois, la route est encore longue et semée d’embuches. Comme le dit Henri Maire, souhaitons que l’exploitation du lithium ne connaisse pas l’infortune des anciennes exploitations de nitrates, lesquelles furent abandonnées du jour au lendemain en raison de la découverte d’engrais alternatifs. Si différents sels de lithium apparaissent effectivement comme les formulations de cathodes les plus performantes pour les batteries du futur, il n’empêche que l’industrie n’est jamais à l’abri d’une découverte technologique qui pourrait faire basculer brutalement l’intérêt pour le lithium.

Par ailleurs, sans dénier à la Bolivie le droit de valoriser ses ressources pour permettre aux plus pauvres d’accéder enfin à un mode de vie plus acceptable, il faut reconnaître que les lacs salés du Sud Lipez comptent parmi les écosystèmes les plus fascinants et les plus fragiles au monde. Leur préservation est un enjeu majeur non seulement pour le tourisme mais aussi pour la géodiversité de notre planète. Il est certainement possible de concilier exploitation et environnement, mais à la condition de prendre conscience des enjeux dès le tout début du projet.

Le choix de renoncer à la valorisation des salars lithifères ne peut être supporté par le seul état Bolivien, mais la question mérite certainement d’être posée en échange d’une compensation financière équitable par la communauté internationale.

Bibliographie

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