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Les ressources du sous-sol bolivien : mirage ou véritable El Dorado ?
06/01/2012


Bolivie 1Les données faramineuses circulant à propos de la Bolivie sont essentiellement dues au fait que des teneurs importantes (350 mg/l) ont été trouvées dans un des plus grands lacs salés du monde (Salar de Uyuni : 10 000 km²). Elles sont aussi basées sur le fait que des croûtes de sel (et donc des saumures interstitielles) se rencontrent de manière répétée en profondeur… et que cette profondeur est inconnue mais en tous les cas supérieure à 214m au centre du Salar (le puits le plus profond a été réalisé par Duke University en 2004 pour des études paléoclimatiques).

Toutefois, il est clair pour tout le monde, qu’une définition correcte des réserves réellement accessibles nécessite une analyse approfondie des conditions techniques, économiques et environnementales de l’extraction du lithium. Sans cette étude de faisabilité complète, il reste très hasardeux d’avancer des chiffres et pour le moins optimiste de considérer que le gisement a la forme d’un cône inversé de plus de 200 mètres de profondeur et 100km de diamètre !

Entre 1996 et 2000, l’Université de Liège dans le cadre d’un projet de coopération avec l’Universidad Tecnica de Oruro, réalisait une exploration beaucoup plus complète de la géochimie des saumures contenues dans le Salar de Coipasa situé plus au Nord (3 000 km², plus de 200 puitsallant jusqu’à une profondeur de 12m) (Lebrun et al., 2002). De telles études sont indispensables car elles démontrent que la teneur en lithium n’est qu’un élément très partiel d’information puisque la possibilité de produire d’autres sels valorisables au départ des saumures (chlorure de potasse, sulfate de soude, etc…) ou la présence d’éléments peu désirables comme le magnésium peut favoriser ou pénaliser très nettement tout projet de valorisation.A ce jour, on est loin de disposer des analyses de tous les lacs salés potentiellement lithifères en Bolivie ou ailleurs. On peut se faire une idée du potentiel de quelques-uns sur base du tableau 2, mais d’autres ressources sont connues (Salar del Rincon ; Clayton Valley ; Zhabuye ; etc…) et de nombreuses restent encore à découvrir en particulier en Asie (Pakistan, Afghanistan, Tibet, …).

Tabelau 2 SS BolivienSans compter que des gisements de nature tout à fait insoupçonnée jusque-là ont été découverts en 2004 dans la région de Jadar en Serbie lors d’une exploration de borates de soude par Rio Tinto ! Le gisement de Jadar annonce aujourd’hui 114,6 Mt de réserves inférées à 1,8% Li2O et 13% B2O3.

La production industrielle de carbonate de lithium au départ de saumures a débuté discrètement à Clayton Valley dans le Nevada en 1967 et s’est intensifiée avec l’entrée en jeu du Chili au début des années ’90. La société SCL associée aux américains de Foote (aujourd’hui Chemetall (Rockwood)) et la société chilienne SQM sont les deux acteurs principaux actifs dans le Salar de Atacama. Cette dernière société, historiquement issue de la production de nitrates, s’est rapidement positionnée comme principal producteur mondial de lithium et d’iode avec pour conséquence immédiate la fermeture des mines nord-américaines opérant en roche. Aujourd’hui la production mondiale de lithium est de 25 300 t de Li contenu dont 8800 t sont assurées par le seul Chili (tableau 3). Afin d’éviter toute confusion dans les statistiques de production, il est important de garder à l’esprit que le lithium peut être commercialisé sous différentes formes allant du minerai brut (roche ou saumure (tableau 1)) aux différents sels de lithium plus ou moins purs. Tableau 3 SS BolivienIl est important de ne comparer que des chiffres comparables. Les statistiques du tableau 3 sont en tonnes de lithium contenu. Pour comparer avec des productions exprimées en tonnes de carbonate de lithium pur, il faut appliquer un facteur x 5.32 (une molécule de Li2CO3 contenant 18.78% de Li). De telles statistiques sont parfois présentéen LCE-Lithium Carbonate Equivalent Units. Exprimé en LCE, le marché serait de l’ordre de 90 000 à 110 000 tonnes par an selon les sources. De nombreux analystes estiment que la production chinoise est surévaluée et considèrent que le Chili assure actuellement 50% de la production mondiale.

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