Aucun doute : les patients qui ont la malchance de souffrir d'une hernie discale lombaire paralysante doivent absolument être opérés. Rapidement. Une incertitude subsiste toutefois : quel est le délai d'urgence de cette intervention ? Les neurochirurgiens du CHU de Liège ont tenté de le découvrir... Si l'étude n'a pu mettre en évidence l'influence du délai, elle montre en tout cas que la rapidité de l'intervention chirurgicale ne suffit pas à garantir une récupération chez tous les malades. Cela signifie qu'actuellement, on ne peut garantir au patient qu'il a davantage de chances de récupération grâce à une opération en urgence.

Cette histoire commence par l'arrivée d'une dame d'une trentaine d'années à la garde du CHU de Liège, un vendredi après-midi. A ce moment-là, elle ne pensait probablement qu'à trois choses : sa douleur, son incapacité à marcher "normalement", et les préparatifs du diner organisé pour la communion de sa fille, deux jours plus tard. Evidemment, la patiente ne pouvait deviner que son "cas" allait être à l'origine d'un mémoire de fin d'étude d'une licenciée en kinésithérapie, Sarah Borlon, puis d'un article réalisé à partir de ce travail et supervisé par le Dr Annie Dubuisson, chef de clinique au service de neurochirurgie du CHU de Liège et co-signé, entre autres, par le Pr Didier  Martin, chef du service de neurochirurgie du CHU et chargé de cours à l'Université de Liège (1).

"Le diagnostic était clair, raconte le Dr Annie Dubuisson. Il s'agissait d'une hernie discale lombaire paralysante. Cela signifie qu'au niveau de la colonne, une hernie comprime un nerf et provoque, ainsi, un déficit moteur. Dans ce cas, il était marqué lors de la marche, au niveau du pied : en raison d'une compression nerveuse, le muscle qui permet de relever le pied est faible, si bien qu'au moment d'avancer, le pied frappe le sol car il devient impossible de le lever normalement. Face à un  'pied tombant' de ce type, l'indication opératoire est formelle : il faut absolument décomprimer le nerf. Nous considérons, comme de nombreux autres neurochirurgiens, qu'il faut le faire rapidement."

Cependant, face à ce type de pathologie, une question reste ouverte : quel est le degré d'urgence d'une telle intervention? Faut-il absolument opérer dès que le patient est à jeun? Ou bien cette intervention peut-elle attendre un peu sans nuire à la récupération motrice? Dans l'histoire qui nous occupe, en opérant cette mère de famille le lundi, plutôt que le samedi, elle aurait pu assister à la fête de sa fille. Or s'il ne fait aucun doute que l'opération doit être menée rapidement, aucune recommandation "evidence based medecine" (basée sur une preuve scientifique) n'indique le moment optimal pour la réaliser. En intervenant le plus rapidement possible, permet-on aux patients d'augmenter leurs chances de recouvrer complètement l'usage de leur pied ou de l'organe lésé? Bien évidemment, un tel argument ferait la différence...

Ce vendredi-là, le Dr Dubuisson a informé la patiente de l'état des connaissances scientifiques et des doutes concernant la rapidité de l'intervention à effectuer. Puis elle lui a laissé le choix entre une intervention programmée le lendemain ou le lundi. C'est, aussi, à ce moment, qu'est né le projet de confier à Sarah Borlon une étude sur ce point délicat du facteur pronostique du délai d'intervention.

Quand le dos trinque  

Le mal de dos est loin d'être une pathologie rare : 80 % des Belges découvrent les "saveurs" de ce problème au moins une fois dans leur vie, ne serait-ce qu'en raison de l'usure qui peut toucher cette région du corps, durement sollicitée au cours de la vie quotidienne. Lombalgies, lumbagos, sciatiques (dues à la compression et à l'irritation d'une racine nerveuse dans la région du nerf sciatique) peuvent alors être au rendez-vous. "Dans une majorité des cas, ces lombalgies ou ces lombo-sciatalgies régressent spontanément, en quelques jours ou en quelques semaines, avec une diminution du phénomène inflammatoire", souligne le Pr Didier Martin.

(1) La hernie discale lombaire paralysante : une urgence chirurgicale ? Réflexion à propos d'une série de 24 patients et des données de la littérature. A. Dubuisson, S.Borlon, F. Scholtes, T.Racaru, D. Martin.