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Hernie discale lombaire paralysante : quand opérer?
23/04/2014

Comment expliquer cette absence de réponse ? Plus que probablement, le nombre relativement limité de patients inclus dans l'étude, comme cela avait d'ailleurs été le cas pour d'autres séries publiées précédemment, ne permet pas de fournir d'indications sur les facteurs pronostiques de récupération. De plus, "quand les patients sont opérés très vite, il est évidemment difficile de mettre en évidence l'influence du facteur temps opératoire", remarque le Dr Annie Dubuisson. Déjà, une étude publiée en 2009 avait relevé qu'une décision chirurgicale précoce pour HDL déficitaire (dans cette série, 56 des patients avaient été opérés dans les 14 jours d'apparition du déficit) pouvait expliquer les difficultés à mettre en évidence l'influence pronostique de la durée du déficit sur la récupération motrice.

Les réponses d'une non-réponse

Si l'étude belge n'a pu mettre en évidence l'influence du délai, "elle montre en tout cas que la rapidité de l'intervention chirurgicale ne suffit pas à garantir une récupération chez tous les malades, constate le Pr Didier Martin. Elle nous donne donc une information importante sur ce point-là. Cela signifie qu'actuellement, nous ne pouvons garantir au patient qu'il a davantage de chances de récupération grâce à une opération en urgence."

Les auteurs liégeois ont également effectué la synthèse de 5 autres études, et comparé les résultats aux leurs. Deux d'entre elles s'étaient concentrées, comme à Liège, sur les déficits sévères. "Les conclusions des 6 séries sont parfois divergentes concernant les facteurs pronostiques, constatent les Liégeois. Cependant, deux d'entre elles, dont la seule étude prospective (elle portait sur 116 patients dont 38 déficits sévères), concluent que le degré de récupération d'une HDL paralysante est inversement proportionnel à la sévérité et à la durée du déficit.

Dès lors, en s'appuyant sur leur propre étude et sur la littérature, les neurochirurgiens vont continuer à suivre leur ligne de conduite actuelle : opérer le plus rapidement possible pour décompresser la racine nerveuse, y compris sans avoir la certitude que cette vitesse d'intervention change effectivement la donne au niveau de la récupération. "Puisque l'indication opératoire est formelle, la rapidité reste probablement un facteur important, sans obligatoirement être un gage de récupération. En tout cas, il nous semble logique d'opérer au plus tôt, même si nous ne détenons pas la maîtrise de tous les paramètres", assurent le Pr Didier Martin et le Dr Annie Dubuisson.

Un acte de foi

D'un côté, il s'agit donc d'informer le patient du fait qu'il demeure impossible de garantir que les compressions sévères, importantes, ne laisseront pas de séquelles. "Plus la paralysie est profonde et prolongée, plus le pronostic est défavorable. Une fois retiré le morceau de disque responsable de l'atteinte, le nerf, qui a été fortement comprimé, va devoir s'autoréparer. Les travaux de recherche sur la réparation des nerfs périphériques, y compris ceux menés à Liège, permettront un jour, nous l'espérons, de faire progresser cette capacité d'autoréparation", précise le Pr Martin. D'un autre côté, poursuit-il, l'intérêt de cette étude consiste également à rappeler à tous les chirurgiens qu'ils doivent continuer à être convaincus que la chirurgie est un acte de foi : "Nous devons y croire, dit-il. Et tout faire pour qu'elle fonctionne. C'est, d'ailleurs, parce que nous en sommes convaincus, que, par exemple lors d'accidents graves, même s'il n'existe qu'une chance infime d'éviter une paralysie, cela vaut la peine de se lever au milieu d'une nuit pour venir opérer! La HDL paralysante est loin de laisser une chance infime aux patients. Intervenir rapidement et tenter de mettre tous les atouts du côté du patient reste important. En revanche, s'il faut attendre avant d'intervenir, par exemple parce que le malade doit auparavant cesser un traitement fluidifiant le sang avant de pouvoir être opéré, ce n'est probablement pas un drame."

Pas à la fête...

Mais, au fait, que s'est-il passé pour cette patiente qui s'était vue ouvrir par le Dr Annie Dubuisson la possibilité de fixer le jour de son intervention ? Elle avait décidé d'être opérée dès le samedi, renonçant ainsi à assister à la fête de sa fille. Hélas, cette malade n'a récupéré que partielement de son départ. A postériori, on peut donc se dire qu'une opération pratiquée le lundi n'aurait probablement rien changé pour elle...

"La rapidité de la décision opératoire doit continuer à être prise en fonction de l'intérêt du patient, de sa situation, de son âge, de sa demande professionnelle ou sportive parfois, conclut le Dr Annie Dubuisson. Quant à nous, nous continuons à penser que, plus on opère tôt, plus cela pourrait être favorable. Ce constat n'est pas evidence based. Mais il ne le sera probablement jamais..."

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