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Ison : la comète déchue
17/03/2014

Fin de l’année 2013, les télescopes des astronomes du monde entier étaient braqués sur Ison, une comète repérée un an plus tôt lors de sa lente progression vers le soleil. Tous plaçaient en elle beaucoup d’espoirs : elle promettait un très beau spectacle et des avancées hors du commun quant à l’analyse de la composition chimique de ces corps célestes. Mais ce fut finalement un rendez-vous manqué. TRAPPIST, le télescope de l’Université de Liège, était parmi les mieux placés pour observer ce phénomène. L’astronome Emmanuël Jehin revient sur les raisons de la disparition d’Ison et sur les enseignements qu’elle pourra malgré tout apporter.

Ison avait rendez-vous avec le soleil. Un rendez-vous qui promettait d’être exceptionnel : de Bruxelles à New-York en passant par Tokyo, la comète aurait pu être observée à l’œil nu depuis tout l’hémisphère nord, brillant comme un phare au milieu de la nuit. Mais les comètes sont parfois capricieuses et imprévisibles : malgré les espoirs des astronomes, le spectacle tant attendu n’a pas eu lieu.

ISON par TRAPPIST
Ison avait pourtant tout pour devenir la comète de la décennie, voire du siècle, à l’instar de ses prédécesseurs ayant marqué l’histoire de l’astronomie, comme Halley, Hale-Bopp ou Hyakutake. Son histoire a débuté en septembre 2012, alors qu’elle est aperçue pour la première fois par des astronomes amateurs russes. Les astronomes ont alors réalisé que Ison avait tout pour défrayer la chronique. Découverte très loin du soleil, elle provenait du nuage d’Oort, cet immense réservoir où sont rassemblés des milliards de corps célestes, quelque part à environ une année lumière du Soleil, à la limite du milieu interstellaire.

En calculant son orbite, les astronomes remarquent qu’elle fait partie de la catégorie des sungrazers, des comètes rasantes qui frôlent le soleil façon rase-motte. Elle fut décelée très tôt dans son périple, près d’un an avant son passage au plus près du soleil. Une première : les spécimens appartenant à cette catégorie ne sont en général remarqués que quelques jours avant la rencontre fatidique. Le satellite SoHo, qui observe le Soleil depuis bientôt 20 ans, en a ainsi repéré des centaines juste avant leur plongeon dans le Soleil. Mais il s’agit presque toujours de très petites comètes ayant des noyaux de quelques dizaines de mètres. Lointaine, Ison était déjà très active, émettant des gaz et des poussières et alimentant ainsi sa brillante chevelure (ou coma) entourant son noyau. Cela laissait supposer que Ison avait un gros noyau de plusieurs kilomètres de diamètre, la promesse d’un show magnifique à l’instar des plus grandes comètes répertoriées dans l’histoire.

À la loupe

Depuis l’observatoire de La Silla au Chili, au beau milieu du désert aride et rocheux de l’Atacama, le télescope robotique TRAPPIST de l’Université de Liège a été aux premières loges pour observer cette descente progressive d’Ison vers le soleil. Depuis le mois d’octobre 2013, toutes les nuits, l’instrument d’observation liégeois était braqué sur elle, scrutant ses moindres faits et gestes. Un suivi sur le long-terme que peu d’autres équipements à travers le monde sont en mesure de réaliser. « En général, lorsqu’on veut effectuer des observations, il faut réserver des mois à l’avance du temps sur un télescope et on obtient, au final, seulement une ou deux nuits.», explique Emmanuël Jehin, chercheur qualifié FRS-FNRS, astronome à l’Université de Liège.

Évidemment, tout change lorsque l’on devient propriétaire de son propre matériel ! Depuis 2010 et le début des aventures chiliennes de TRAPPIST (abréviation de TRAnsiting Planets and PlanetesImals Small Telescope), les spécialistes de l’université sont les seuls maîtres à bord et disposent de leur temps comme ils l’entendent. D’autant plus que ce télescope a été conçu notamment pour observer les comètes. Il est en effet équipé de filtres spéciaux qui permettent de réaliser des images dans la lumière émise par toute une série de molécules et ainsi de déterminer la composition de l’atmosphère (coma) des  comètes. Aussi, lorsqu’Ison a commencé à se présenter comme une potentielle « comète du siècle », l’équipe liégeoise ne s’est pas gênée de la scruter sous toutes les coutures.

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