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Ison : la comète déchue
17/03/2014

Grand bien lui en a pris. Car elle a ainsi été l’une des mieux placées pour apercevoir son réveil. « Avec Cyrielle Opitom, qui réalise son doctorat sur la composition des comètes à l’aide des observations réalisées avec TRAPPIST, nous avons été les premiers à détecter un brusque regain de l’activité », se souvient Emmanuël Jehin. Une première « explosion » à la surface (appelée outburst dans le jargon) a été remarquée le 4 novembre grâce à TRAPPIST. « Je me souviens qu’un collègue américain ne nous croyait pas ». Peu après, rebelote : nouvel outburst. D’un facteur 10, cette fois. « Ce qui signifie que, tout à coup 10 fois plus de matière et de gaz ont été éjectés dans l’espace augmentant très fortement par la même occasion l’éclat de la comète ! » Des observations confirmées plus tard par celles du Keck, cet énorme télescope américain basé à Hawaii.

ISON soleil
Feu d’artifice spatial

Reste encore à déterminer pourquoi ils se sont produits. Des études devront être menées, mais une hypothèse émerge d’ores et déjà. En s’approchant de plus en plus du soleil, Ison a commencé à en ressentir fortement sa chaleur. De quoi rendre explosives certaines zones localisées du noyau riches en glace. Le noyau d’une comète est en effet composé pour moitié de roches et pour moitié de glaces (principalement de H2O).  L’intérieur du noyau étant constitué de « blocs » de différentes tailles accolés les uns aux autres, formant ainsi des espaces vides, des cavités qui peuvent se  remplir de gaz, résultant de la sublimation des glaces. Des poches qui, sous l’action du rayonnement solaire, n’auraient plus supporté la pression du gaz de plus en plus abondant et auraient entraîné un « feu d’artifice » géant dans l’espace.  

Toujours est-il que ces deux « explosions » consécutives laissaient encore davantage présager un show hors du commun. A moins d’être les signes d’une disparition prématurée… Ison commençait alors à devenir visible à l’œil avec une queue et une chevelure de plus en plus étendues. Espoirs déçus : un jour avant son passage au périhélie –soit au plus près du soleil à seulement 700.000 km de sa surface– la comète a disparu des écrans. Désintégrée. Détruite. Désagrégée. Plus aucun dégazage, plus aucune vaporisation des glaces qu’elle contenait auparavant en son sein n’est détecté. Ne restait probablement plus d’elle qu’un tas de graviers, de poussières et peut-être un noyau inerte, dont personne n’a jusqu’à présent retrouvé la trace. Pas même le Hubble Space Telescope de la NASA qui avait tenté de partir à la recherche de certains fragments en inspectant son orbite. Rien. Ison semble bel et bien s’être évaporée.  

Comment expliquer cette disparition ? La question occupera sans aucun doute les spécialistes durant les prochains mois. Le scénario suivant pourrait être possible, poursuit Emmanuël Jehin : « Le noyau de Ison devait être beaucoup plus petit que ce qu’on avait calculé. Comme on l’a détectée loin du soleil, on imaginait que son noyau faisait plusieurs kilomètres de diamètre. En fait, on aurait dû avoir la puce à l’oreille car quand elle est arrivée près de Jupiter, son activité aurait dû décoller suite à la sublimation de plus en plus importante de la glace d’eau. Or elle était restée très calme bien trop longtemps, pour ne se réveiller qu’à peine 20 jours avant son passage au périhélie. »

Son diamètre ne devait en réalité pas dépasser les 250 à 500 mètres, alors qu’il atteint les 2 à 3 kilomètres pour les comètes « normales », voire 30 à 50 kilomètres pour les noyaux les plus gros. Comme Ison n’avait jamais visité le système solaire interne auparavant, elle possédait probablement encore une grande quantité de glaces hypervolatiles en surface, soit un grand stock de monoxyde de carbone et de dioxyde de carbone produisant cette activité atypique qui a donné l’illusion d’un gros noyau. Lors du passage au périhélie, sous l’action de l’intense rayonnement solaire, la température de surface s’est élevée jusqu’à près de 3000 degrés. En pénétrant dans le petit noyau l’onde de chaleur a fait disparaître la glace qui soudait tous les blocs composant le noyau, entraînant sa dislocation pour ne laisser qu’un amas de cailloux, malheureusement beaucoup moins intéressants à étudier d’un point de vue scientifique et mettant définitivement un terme aux espoirs d’observer une grande comète.

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