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Revisiter l’œuvre de Raymond Lemaire
07/05/2013

Que retient-on et que retiendra-t-on dans l’avenir de Raymond Lemaire (1921-1997), docteur en Histoire de l’art, chercheur et praticien de la restauration des monuments et des sites ? Qu’il fut un pionnier et une figure marquante du courant post-moderniste en matière de rénovation urbaine, ou au contraire un « affreux passéiste » ? Le tiendra-t-on pour un nouveau Viollet-le-Duc ou un « fumiste » de la pire espèce, incapable au demeurant de conduire un projet financièrement crédible ?
Dans un article (1), prélude à sa thèse de doctorat, Claudine Houbart récuse les idées toutes faites à propos de cet homme « charismatique et controversé ». Architecte et historienne de l’art, elle est la première à avoir pris à bras le corps les riches archives de Raymond Lemaire – « une mine d’or », dit-elle. Elle y a mis bon ordre et les a étudiées en profondeur. Il en ressort un portrait de Lemaire et de son œuvre tout en nuances et en contrastes.

RLemaire Roi« Pendant mes études, nous explique Claudine Houbart, j’avais une image massivement positive de l’œuvre de Raymond Lemaire. Me fascinait par exemple, l’impressionnante rénovation du Grand Béguinage de Leuven, qu’il avait dirigée seul dès 1963, mais aussi son rôle de pionnier, l’année suivante, dans l’élaboration de la Charte de Venise (1964) et son souci constant de réinvestir la ville ancienne».

Quand elle entame ses premières recherches, en 2004, Claudine Houbart se rend bien compte qu’elle ne pourra pas se contenter de maintenir Lemaire sur son piédestal. Certes, cet homme a eu une carrière originale et exceptionnelle, en dehors même des universités où il enseignait brillamment l’histoire de l’art (KUL et UCL). Il n’était ni architecte, ni ingénieur de formation, mais toute sa vie a été consacrée à l’architecture, la restauration et l’urbanisme, sur le plan belge comme international. Claudine Houbart se devait d’étudier en profondeur les « visions » de Lemaire, mais aussi les controverses auxquelles elles ont donné lieu…

Un travailleur infatigable

Co-auteur de la Charte de Venise et co-fondateur de l’ICOMOS (Conseil international des Monuments et des Sites), qui imprimèrent une nouvelle orientation en matière de restauration des villes anciennes au mitan des Golden Sixties, Lemaire a également joué un rôle déterminant, au service de l’Unesco,  dans l’étude et la conservation du patrimoine culturel à l’étranger : temple de Borobudur (Indonésie), Acropole d’Athènes, temple de Bassae (Grèce), conservation d’églises peintes (Roumanie), restauration du temple de Zeus à Jérash et du site de Petra (Jordanie), pour ne citer que quelques exemples…

Pour mesurer l’ampleur de son action de restauration, en Belgique même, on citera entre autres : une trentaine d’églises et de chapelles, les châteaux de Heverlee, Ecaussinnes, Boitsfort, Feluy, la Ferme du Douaire à Ottignies ou la Ferme Rose à Uccle… Outre la rénovation du Grand Béguinage à Leuven, qui l’a projeté sur le devant de la scène, on mentionnera aussi celle de la rue des Brasseurs (Namur), les quartiers Sainte-Anne, Saint-Géry et de l’îlot du Musée d’Art moderne (Bruxelles). Sans oublier les centres villes de Courtrai et Mouscron, les Parijse Hallen à Bruges, etc.

Lemaire ne délaissa pas pour autant les constructions nouvelles, comme les auditoires et les laboratoires de mécanique à Heverlee, la station de métro de Kraainem, l’église de Herne, notamment. Et, pour couronner le tout, est-il besoin de rappeler ici que c’est Raymond Lemaire qui a pensé la ville nouvelle de Louvain-La-Neuve, « en échappant aux dangers du gigantisme du Corbusier, à Chandigar ou Brasilia, pour dégager l’essentiel de la tradition » (Michel Woitrin, in Biographie Nationale).

(1) Raymond Lemaire et les débuts de la rénovation urbaine à Bruxelles, Montréal, Revue d’histoire urbaine, 2012.

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