Le site de vulgarisation scientifique de l’Université de Liège. ULg, Université de Liège

Revisiter l’œuvre de Raymond Lemaire
07/05/2013

Dans son étude détaillée, la chercheuse liégeoise met en lumière les mécanismes complexes et mal ajustés des processus décisionnels. Elle montre la manière dont Lemaire envisage la mise en pratique de ses principes doctrinaux et pourquoi le fragment de projet finalement réalisé ne les reflète en rien.

L’échec du projet de rénovation urbaine de l’îlot Sainte-Anne ne sera malheureusement pas un cas isolé. Parmi la dizaine de PPA ou de projets de rénovation urbaine commandés à Raymond Lemaire par la ville de Bruxelles, le seul qui sera réalisé dans sa quasi-totalité est celui de l’îlot Saint-Géry, conçu de 1977 à 1981. Mais ce projet lui-même sera critiqué dès avant sa réalisation pour son parti-pris de reconstitution archéologique et la perte d’authenticité des immeubles qui, en raison de leur vétusté, voient leur substance en grande partie renouvelée. Ce sera également le cas du projet de rénovation de l’îlot dit « du Musée d’art moderne », où seule une petite moitié des immeubles a survécu, en état de ruine, aux vingt années de tractations auquel il a donné lieu.  « Ce projet, constate Claudine Houbart, s’assimile davantage à une froide reconstruction qu’à une restauration. Dans bien d’autres cas, les projets commandés à Lemaire seront simplement oubliés dans les cartons au gré des changements  de mandats politiques »…

Une œuvre riche d’enseignements

Largement critiqué pour ses interventions jugées dures et souvent sans fondement, Lemaire disparaîtra peu à peu du paysage bruxellois, pour se consacrer davantage à la transmission de son expérience et à son rôle d’expert international.

Aujourd’hui encore, ses réalisations sont jugées avec beaucoup de sévérité dans le milieu patrimonial et par les urbanistes. « Il me semble toutefois, insiste Claudine Houbart, que l’étude détaillée de ses projets, de leur chronologie et du rôle joué par les divers intervenants, permet de nuancer cette vision au premier degré. S’il n’est pas entièrement exempt de contradictions et d’entorses aux grands principes doctrinaux qu’il a lui-même élaboré, le travail de Raymond Lemaire ne me semble pécher que par son inévitable décalage avec la réalité en place, comme l’œuvre de tout pionnier… Survenant trop tard, sur un bâti dont la dégradation très avancée ne laisse bien souvent le choix qu’entre démolition pure et simple et restauration lourde, il arrive aussi trop tôt pour que des outils administratifs adéquats puissent efficacement servir sa cause ».

Si beaucoup de projets de rénovation urbaine conduits par Lemaire ont échoué, il est donc injuste d’en attribuer à lui seul la responsabilité. Dans la foulée de cet amer constat, Claudine Houbart enfonce d’ailleurs le clou : « à Bruxelles, comme en Wallonie, le patrimoine et l’adaptation des quartiers anciens aux normes de l’habitat moderne restent, aujourd’hui encore, des problèmes distincts, gérés sans synergie ».

En reconsidérant de fond en combles l’immense travail de Raymond Lemaire,  la précision et l’exhaustivité de sa méthodologie, son ouverture conjointe à l’histoire et à la création, la transversalité des compétences mises en oeuvre, Claudine Houbart lui rend donc justice, tout en donnant du grain à moudre aux professionnels de la rénovation urbaine. « Son œuvre est riche d’enseignements pour aujourd’hui et demain ».

Enfin, on saura gré à la chercheuse liégeoise d’avoir retrouvé dans les archives de la Ville de Bruxelles une série de projets urbanistiques de « science-fiction » - signés Raymond Lemaire et qu’un dessinateur comme François Schuiten ne dédaignerait pas.

Page : précédente 1 2 3 4

 


© 2007 ULi�ge