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Revisiter l’œuvre de Raymond Lemaire
07/05/2013

« J’ai rapidement pris conscience, précise Claudine Houbart, que je ne pourrais pas embrasser l’œuvre de Lemaire dans ses multiples composantes. Je me suis donc limitée à tout ce qui concerne la rénovation urbaine, qui était, dans tous ses domaines de prédilection, celui qui lui tenait vraiment le plus à cœur. J’ai donc laissé de côté, dans mon doctorat, l’énorme volet que constitue la conception de Louvain-La-Neuve».

Une mine d’or

Tout au long de sa vie active, Raymond Lemaire a donc déployé une énergie peu commune aussi bien dans l’enseignement et la recherche que dans l’action sur le terrain. Pourtant, en dehors de quelques textes publiés et d’un recueil d’écrits, publié par la CRMSF (Commission royale des Monuments, sites et fouilles), il n’existe aucun grand ouvrage théorique écrit de sa main. On dit volontiers de lui qu’il cherchait – justement – à se libérer des théories pour « coller »  aux nouveaux besoins de la société contemporaine.

« En revanche, explique Claudine Houbart, il nous a laissé de volumineuses archives personnelles – aujourd’hui conservées à la Katholieke Universiteit Leuven. Il s’agit notamment de notes précises et datées reprenant les divers avis qu’il avait à donner sur des problèmes concrets posés au professeur d’histoire de l’art qu’il était, à l’expert en rénovation urbaine, au concepteur d’une ville nouvelle… Ces documents de première main constituent une source fabuleuse. Une véritable mine d’or qui n’avait jamais été étudiée, jusqu’à ce que je décide de l’explorer ».

Ce « filon », Claudine Houbart a donc entrepris de l’arpenter et de l’exploiter minutieusement. Pour elle, c’était la seule manière de rendre justice à l’œuvre de Raymond Lemaire. Mais aussi de montrer qu’en dépit de ses contradictions ou de ses échecs, « il a encore, très clairement, des choses à nous dire aujourd’hui ». D’autant plus que la thématique de la restauration des centres anciens reste un problème non résolu…

« Même s’il n’a pas toujours eu bonne presse, nous confie encore Claudine Houbart, il est indéniable que Lemaire était un homme pluridisciplinaire, qu’il voulait respecter le passé, mais aussi écouter les responsables du patrimoine, comprendre leurs intentions, faire passer ses idées par le dialogue, avec intelligence, humilité et sensibilité ». Ce n’est pas pour rien que des notions telles que « échelle humaine », « séquences visuelles », « manière d’être », « déglobalisation » lui tenaient tant à cœur.

En explorant ses archives, Claudine Houbart a également pris la mesure de la capacité qu’avait Lemaire de transcender « les vieux conflits entre historiens de l’art et architectes ». « Il avait une vision synthétique des choses. D’ailleurs, l’étude approfondie de la méthodologie qu’il a mise en place pour l’étude des îlots à restaurer est particulièrement instructive ».

Ne pas sacrifier la ville ancienne au modernisme !

Dans les rares textes théoriques qu’il a pu rédiger, Lemaire n’hésitait pas à affirmer que le modernisme a montré ses limites en matière de rénovation urbaine. Cela s’est traduit, à ses yeux, par un flagrant manque d’épanouissement humain. « Il faut réinvestir la ville ancienne, écrivait-il, pour la préserver et améliorer le bien-être des gens qui y vivent ».

« Raymond Lemaire avait à cet égard une vision scénographique des choses, parfois esthétisante – même s’il s’en défendait », précise Claudine Houbart. « Un terme qu’il utilisait souvent – et que j’ai voulu élucider – était celui de manière d’être dans la ville ancienne. Il voulait qu’on en préserve autant que possible l’échelle humaine, l’équilibre, l’harmonie ».

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