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Il y a 40 ans, une comète liégeoise
16/01/2013

Par Jean Manfroid.

Directeur de recherches FNRS, département d'astrophysique, géophysique et océanographie de l'université de Liège. Cet article est paru dans le numéro de décembre 2012 de la revue "Le Ciel" de la société astronomique de Liège.

Les comètes belges

Peu d’endroits en Belgique sont propices à l’observation du ciel profond et encore moins à l’observation près de l’horizon, là d’où peuvent surgir des comètes encore inconnues. Cela explique la maigre moisson cométaire réalisée jusqu’à présent dans notre pays.
comète-C1956-R1
En 1941, Eugène Delporte (1882®C1955), l’astronome belge qui avait fixé les limites actuelles des constellations (1), a co-découvert la comète 57P/du Toit-Neujmin-Delportedepuis l’observatoire d’Uccle. Le ciel était alors bien plus noir que maintenant surtout que l’état de guerre avait grandement éliminé la pollution lumineuse. En cette époque tragique, les communications en Europe étaient difficiles et lentes, ce qui explique la reconnaissance de trois découvreurs pour une même comète. L’histoire compliquée de cette comète se termina peut-être en 2002 lorsque les astronomes travaillant au télescope de 2m20 d’Hawaii constatèrent qu’elle s’était brisée en un chapelet de mini-comètes couvrant un demi degré dans le ciel, soit un million de kilomètres. Cela n’est pas sans rappeler la comète Schoemaker-Levy 9 qui se brisa en passant près de Jupiter en 1992 et s’éparpilla en de nombreux débris qui s’abattirent sur la planète géante deux ans plus tard.

En 1951, année faste, deux comètes périodiques étaient découvertes à Uccle : 
49P/Arend-Rigaux  et 50P/Arend (2). En 1956, c’est encore depuis Uccle qu’était découverte une nouvelle comète, la belle Arend-Roland.

Ensuite un grand vide, un quart de siècle s’est écoulé avant qu’un nouvel astre chevelu soit trouvé par un belge, la comète Heck-Sause (C/1973A1), le nom de l’astronome liégeois André Heck (3) étant associé à celui de son assistant français Gérard Sause. L’observation astronomique s’était alors organisée loin de la Belgique, et c’est à l’observatoire de Haute-Provence que cette découverte a été réalisée.

N’oublions pas une sixième comète belge, un peu particulière, 133P/Elst-Pizarro (4). À la fois comète et astéroïde, ou ni l’une ni l’autre, présentant de façon récurrente une queue filiforme au lieu des panaches habituels, 133P fait partie de la catégorie sélecte des « Main Belt Comets » (MBC). Cette découverte a été effectuée beaucoup plus loin, sous des cieux encore protégés, dans les Andes chiliennes.

La traque des comètes

Il a fallu attendre le 18 siècle pour que l’on constate qu’outre les comètes spectaculaires, bien visibles à l’oeil nu, il y en avait d’autres, plus nombreuses mais bien faiblardes au point que les astronomes de l’époque, en particulier Charles Messier (1730-1817), ont établi des listes d’objets nébulaires pouvant être confondus avec elles. La traque des comètes demandait une connaissance parfaite du ciel qu’il fallait balayer inlassablement. Beaucoup d’amateurs ont utilisé cette méthode, maintenant de plus en plus délaissée avec l’arrivée des capteurs électroniques. De nos jours, des télescopes au sol et dans l’espace mitraillent le ciel et la comparaison avec des bases de données révèle rapidement la présence d’une intruse, même la plus faiblarde.

La transition entre ces deux méthodes a été l’imagerie photographique, et c’est par cette technique que toutes les comètes belges ont été trouvées. L’intérêt des plaques photo, avec un télescope approprié, était l’enregistrement d’un grand champ. Mais développer les photos prenait du temps, et la comparaison des clichés avec des atlas ou des clichés antérieurs était très laborieuse. En cette heureuse époque, les amateurs pouvaient encore caresser l’espoir de découvrir visuellement une belle comète pendant que les professionnels scrutaient le ciel de façon plus ou moins systématique avec des chambres Schmidt permettant d’enregistrer en une fois des champs de plusieurs degrés. Des télescopes comme le Schmidt du Mont Palomar ont été abondamment utilisés pour ce genre de travail avec un succès réel. D’autres, moins connus, effectuaient occasionnellement de telles observations, parmi d’autres tâches imposées par les divers programmes de recherches.

(1) Voir Al Nath, «Lu Mohèt», Le Ciel 67 (2005) 354-356.
 46P/Arend-Rigaux =1951b=1950VII. Les astronomes belges Sylvain Julien Victor Arend et Fernand Rigaux (1905®C1962) ont découvert cette comète à Uccle au moyen de l’astrographe double. Sa période est de 6,72 ans.
(2) 50P/Arend=1951 j=1951 X. Comète également découverte avec l’astrographe double d’Uccle, le 4 octobre 1951. Sa période est de 8,27 ans.
(3) André Heck, alors à l’IAL, a dirigé par la suite l’Observatoire IUE de l’ESA à Vilspa (Espagne), puis celui de Strasbourg, où il est maintenant Astronome de Classe Exceptionnelle.
(4) Découverte comme comète le 7 août 1996 par l’astronome belge Eric W. Elst et les assistants chiliens Guido et Oscar Pizarro sur des plaques prises à l’observatoire de l’ESO à La Silla. L’objet avait déjà été repéré en 1979 et 1985 comme astéroïde et même répertorié 1979 OW7 vu son apparence ponctuelle.

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