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Il y a 40 ans, une comète liégeoise
16/01/2013

Une comète pour Liège

C’était le cas du Schmidt franco-liégeois (Grand Schmidt) de l’observatoire de Haute-Provence, où une partie importante des observations étaient consacrées à l’étude des comètes connues, mais où l’on pouvait parfois en chercher de nouvelles, une opportunité qui a été fructueuse puisqu’elle a permis la découverte, il y a juste 40 ans, d’une comète “liégeoise”, la seule à ce jour, C1973A1/Heck-Sause. C’est aussi la seule comète jamais découverte à l’observatoire de Haute-Provence.

En vue de l’initiation d’étudiantse à l’observation astronomique, des séries de champs avaient été choisis alliant intérêt astronomique et éventualité de trouver une comète. L’aspect esthétique n’était pas négligé et les champs montrant galaxies, nébuleuses ou amas étaient privilégiés pour leur caractère motivant. L’amas de galaxies de la Vierge figurait parmi les cibles et la présence de nombreux astres diffus pouvait déjouer la sagacité d’observateurs concurrents. C’est que trouver une comète ne s’improvise pas. Si le hasard a un rôle important, mieux vaut l’aider. Ainsi il n’est pas très utile de chercher de nouvelles comètes brillantes au milieu du ciel en pleine nuit, il y a peu de chances qu’on les ait laissées arriver là incognito. Par contre de très faibles objets pourraient avoir été délaissés. C’est près de l’horizon, à l’aube ou au crépuscule, que peuvent surgir des astres brillants cachés jusque-là par l’éclat du Soleil. Mais les comètes relativement brillantes pouvaient être trouvées plus facilement par l’observation visuelle, par des amateurs scrutant rapidement le ciel avec des jumelles ou des télescopes très ouverts. Il aurait été vain de tenter de les concurrencer avec une technique photographique inadaptée. Les chercheurs liégeois appliquaient donc toute une stratégie pour maximiser leurs chances de succès avec le télescope de Schmidt, en s’attaquant aux comètes faibles. La longueur des poses, plusieurs dizaines de minutes, ne permettait que de balayer une toute petite partie du ciel chaque nuit, mais cela pouvait être fait en profondeur.

Ces longues poses nécessitaient un guidage soigné et continu à l’oculaire, dans le noir absolu d’une coupole souvent glaciale, en compagnie du tic-tac inlassable des horloges sidérale et universelle. Une fois la pose terminée, la photo était développée puis examinée encore toute humide au cas où quelque-chose d’intéressant apparaîtrait. L’examen approfondi suivait le lendemain, après séchage complet de la pellicule.
comète-1973-A1
Comparer les images aux atlas existants ne pouvait se faire à l’ordinateur comme actuellement. C’était un processus laborieux qui demandait de partir de cartes peu détaillées comme celles du Star Atlas d’Arthur Philip Norton ou l’Atlas Cœli d’Antonin Bečvář pour identifier le champ général, puis de progresser avec des atlas plus fournis (par exemple les Atlas Borealis, Eclipticalis, Australis du même Bečvář) pour en arriver finalement aux grandes photos du Palomar Sky Survey. Une autre technique consistait à répéter les mêmes champs à des heures d’intervalle  et à les comparer avec un appareil permettant de permuter rapidement les images. Un objet mobile paraissait alors sautiller entre deux positions. Cet effet est reproduit actuellement de manière bien plus commode dans la fonction «/blink/» des logiciels astronomiques. Calculs d’échelle, interpolations de coordonnées, précessions, tout devait se faire manuellement, avec les risques d’erreur que cela comporte quand on travaille dans la précipitation. Les positions étaient tracées sur des calques, mais parfois directement sur les clichés et les cartes. On peut ainsi retrouver quelquefois dans les archives les hésitations et les espoirs de nos prédécesseurs.

La stratégie de recherche au Grand Schmidt s’est avérée payante quand, dans la nuit du 10 au 11 janvier 1973, André Heck et Gérard Sause notèrent un intrus d’aspect diffus parmi les galaxies de l’amas de la Vierge. Deux clichés supplémentaires pris la même nuit montrèrent un déplacement de l’objet. Il s’agissait donc bien d’un astre du système solaire, une comète. Encore fallait-il vérifier que ce n’était pas une comète déjà connue, peut-être découverte très récemment et non encore cataloguée officiellement. Ces vérifications demandèrent quelques coups de fil et l’aide précieuse de François Dossin (1927®C1998), il s’avéra qu’il s’agissait bien d’une nouvelle comète. Un télégramme fut alors envoyé au BCTA (5). C’était encore la nuit aux États-Unis, et François Dossin et Jean-Pierre Swings purent avertir à temps l’observatoire du Mont Palomar où l’astronome Wallace L.W. Sargent (1935®C2012) réussit à prendre une image avec le célèbre Grand Schmidt de 1m22, 12 heures à peine après la découverte.

(e) C’est aussi à l’occasion de stages d’initiation d’étudiants que  l’Observatoire de Haute Provence a vu en décembre 2010 la reconnaissance d’une autre comète, 247P/LINEAR = P/2002 VP94 (LINEAR) = P/2010 V3. Un peu comme pour 133P/Elst-Pizarro, il ne s’agissait pas de la découverte d’une nouvel objet. Des observations réalisées au télescope de 80 cm ont permis d’établir la nature cométaire d’un “astéroïd” connu, 2002VP94, découvert en 2002 par le projet LINEAR et de période 7,89 ans.

(5) BCTA, le Bureau Central des Télégrammes Astronomiques qui s’occupe de la dissémination des nouvelles concernant les phénomènes transitoires, les découvertes de comètes, astéroïdes, satellites, etc. (cf Al Nath, Les Potins d’Uranie, Le Ciel, 49, 1987, 6®C8 )

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