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Sons fantômes dans la tête
11/09/2012

acouphènes2L'expérience révéla que de telles différences existent bel et bien, ce qui corrobore les données d'études effectuées selon d'autres protocoles (notamment en tomographie par émission de positons et en électroencéphalographie) par d'autres centres. Par ailleurs, ces différences de connectivité concernent à la fois des régions corticales et sous-corticales et englobent les systèmes attentionnel, émotionnel et mnésique. « Il paraît logique que quelqu'un qui accorde beaucoup d'importance à son acouphène et le vit mal voie ses réseaux attentionnels et émotionnels s'activer davantage et interagir avec les aires auditives, dit Audrey Maudoux. Quant aux régions impliquées dans la mémoire, telle la région parahippocampique, on pense qu'elles "décident", après comparaison avec l'ensemble des sons répertoriés comme habituels, si un son perçu - en l'occurrence celui de l'acouphène - doit être "étouffé" ou traité plus en profondeur, car impliquant un danger. »

Évidemment, si les résultats enregistrés par les chercheurs du CRC et du service ORL du CHU de Liège semblent « logiques », il n'en demeure pas moins que le « jeu des influences » reste trouble. En effet, les études réalisées ne permettent pas de définir le sens initial du dialogue entre les aires cérébrales. Est-ce la région auditive qui influe au départ sur l'activité des aires attentionnelles, émotionnelles et mnésiques ou sont-ce ces dernières qui ont initié les échanges d'informations ? Cette question n'est pas anodine, entre autres parce qu'elle est au centre des interrogations relatives à l'étiologie du trouble et à la façon de le traiter.  « En électroencéphalographie, la technique du Dynamic Causal Modelling (DCM) permet de définir la directionnalité des relations, mais elle n'a pas encore été utilisée dans le cadre des acouphènes, commente Audrey Maudoux. Nous espérons initier des études en IRMf qui recourraient à une technique similaire. »

Définir des sous-types

Publiée dans la revue PLoS ONE(1), l'étude liégeoise n'en suggère pas moins que différentes régions cérébrales seraient impliquées dans la prise de conscience persistante de l'acouphène, ainsi que dans le développement du stress associé, conduisant à la chronicisation du phénomène.

Données IRMf et questionnaires à l'appui, les chercheurs se sont également demandé si l'intensité de l'activité des aires cérébrales interconnectées était corrélée avec un marqueur d'importance de l'acouphène. Il semble que oui. « Les résultats de ce travail ont fait l'objet d'une publication dans Brain Research(2) en mai 2012, dit Audrey Maudoux. Toutefois, avec un échantillon de 13 patients acouphéniques seulement, nous n'avons pu dégager qu'une tendance. Nous allons essayer de conforter et d'affiner les résultats de nos différents travaux en analysant une cohorte d'une centaine de patients. »

Les résultats publiés dans PLoS ONE ressortissent à une étude de groupe. Ils expriment donc des valeurs moyennes. Les futurs travaux basés sur un échantillon plus vaste permettront peut-être de distinguer plusieurs sous-types d'acouphènes et d'en définir les caractéristiques propres. Par ailleurs, un suivi longitudinal en « resting-state fMRI » serait d'un grand intérêt, car il permettrait de déterminer les variations de l'activité cérébrale d'un sujet selon que son acouphène demeure stable, disparaît, est mieux supporté ou devient insupportable. La voie serait balisée pour des traitements plus individualisés.

(1) A. Maudoux, Ph. Lefebvre, J.E. Cabay, A. Demertzi, A. Vanhaudenhuyse, S. Laureys, A. Soddu, Auditory Resting-State Network Connectivity in Tinnitus: A functional MRI Study, PLoS ONE 2012.
(2) A. Maudoux, Ph. Lefebvre, J.E. Cabay, A. Demertzi, A. Vanhaudenhuyse, S. Laureys, A. Soddu, Connectivity graph analysis of the auditory resting state network in tinnitus, Brain Res. 2012 May 10. [Epub ahead of print].

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