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Les méandres de l'oubli
22/05/2012

Second résultat important relatif à l'étape d'encodage : certaines régions cérébrales sont spécifiquement activées quand une information à retenir est encodée avec succès, alors que ce pattern d'activations n'a pas cours quand l'encodage réussi a trait à un item que les sujets avaient instruction d'oublier. Les régions concernées sont le cortex entorhinal droit, qui fait partie du complexe hippocampique, structure clé de la mémoire associative, le cortex frontal antérieur médian et l'insula. « L'implication de l'hippocampe lors de l'encodage des mots à mémoriser qui le furent avec succès montre que les sujets ont essayé de créer des associations entre chacun de ces mots et d'autres mots de la liste ou avec des événements personnels, ce qui favorise un encodage assez profond, indique Christine Bastin. Ainsi, chez tel ou tel participant, le mot "voiture" a très bien pu être mis en rapport avec la nécessité de changer prochainement les pneus de son véhicule ou de procéder au paiement de son assurance auto. »

Richesse ou familiarité ?

Venons-en à présent au versant de la récupération. La reconnaissance de mots à retenir alla de pair avec une activation de l'hippocampe postérieur gauche, du precuneus droit, de régions pariétales inférieures gauches et du cortex cingulaire postérieur. « L'hippocampe, de nouveau, et les régions pariétales sont typiquement activés lorsque quelqu'un se souvient d'un épisode dans toute sa richesse, c'est-à-dire avec les détails ayant présidé à son encodage, rappelle Christine Bastin. Autrement dit, ce dernier fut suffisamment profond pour garantir par la suite la récupération d'un souvenir riche en contenu. »

Quand des items à oublier sont malgré tout récupérés - cela se produit, nous l'avons vu, dans quelque 50% des cas -, les régions cérébrales activées sont très différentes. Il s'agit cette fois du thalamus dorsomédial gauche, du sulcus intrapariétal postérieur droit et du cortex cingulaire antérieur. La région thalamique impliquée appartient à un réseau de mémoire spécifiquement dédié à une forme de récupération que les neuroscientifiques appellent le sentiment de familiarité. C'est celui-ci que l'on éprouve quand, croisant une personne, on se dit qu'on l'a déjà vue, mais sans être capable de retrouver son nom et les circonstances dans lesquelles on l'a côtoyée précédemment. Bref, nous sommes ici au royaume des souvenirs relativement vagues. Par ailleurs, le cortex cingulaire antérieur est indissociable de la notion d'effort. « Son activation suggère que les sujets qui identifiaient des mots présentés lors de la phase d'encodage, mais auxquels avait été accolée l'instruction "à oublier", devaient fournir un plus grand effort pour les reconnaître, probablement parce qu'ils avaient davantage de doute sur le fait que ces items avaient ou non été présentés préalablement », fait remarquer la chercheuse post-doctorante du CRC.

Activité-hippocampique

Selon Fabienne Collette, une des conclusions de l'expérience menée à l'Université de Liège est que le phénomène de l'oubli dirigé est assez complexe, puisqu'il met en jeu des réseaux cérébraux particuliers. En outre, arriver à oublier volontairement une information n'est pas chose très aisée. Si elle a été traitée en profondeur au moment de l'encodage, elle a toutes les chances de réapparaître au sein de nos souvenirs. Ce sera alors en réponse au jeu de l'érosion et des interférences (oubli non intentionnel) qu'elle s'effacera peut-être un jour de notre mémoire.

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