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Les méandres de l'oubli
22/05/2012

Est-ce pour cela que, comme le montrent les études, nous avons généralement tendance à mieux nous rappeler les épisodes positifs de notre existence que les épisodes négatifs ? Les psychologues parlent d'ailleurs d'un « biais de positivité ». « Si l'on interroge des gens qui ont été plongés dans des situations dramatiques, comme une guerre ou des difficultés économiques extrêmes, on est toujours surpris de leur propension à minimiser après coup les problèmes gravissimes auxquels ils ont été confrontés, commente la chercheuse du FNRS. Ils n'ont pas eu de quoi se chauffer en plein hiver, mais ils vous diront que "finalement, il ne faisait pas si froid". »

Il faut distinguer l'oubli intentionnel, c'est-à-dire le résultat de la volonté de ne plus se rappeler certains éléments, d'avec l'oubli non intentionnel, lié notamment à des phénomènes d'interférences ou d'effacement progressif des traces mnésiques du fait que l'information n'est pas rafraîchie, qu'elle n'intègre pas régulièrement nos pensées. Sans doute ces deux processus interviennent-ils, à des degrés variables, dans le biais de positivité.

Ainsi que l'explique Christine Bastin, les souvenirs qui perdurent à long terme sont ceux qui ont une signification par rapport à nos objectifs personnels, que nous avons bien élaborés et que nous avons récupérés régulièrement, assurant de la sorte leur consolidation et leur pérennité. Ils ne sont cependant pas à l'abri de « distorsions » car, d'une certaine façon, nous « réinventons » sans cesse notre mémoire. « Un événement auquel on a prêté grande attention à un moment donné n'en finira pas moins par être oublié si on ne le rappelle jamais en mémoire, précise encore Christine Bastin. En effet, au fil du temps, se manifeste un déclin de la trace mnésique, entre autres en raison des interférences découlant de l'émergence de nouvelles informations et de la compétition qui a lieu entre les différents souvenirs, surtout quand ils ont beaucoup de similarité entre eux. »

Oubli dirigé

Récemment, des chercheurs du CRC et du département de psychologie cognitive et comportementale de l'Université de Liège se sont intéressés aux régions cérébrales impliquées dans l'oubli intentionnel. Ces travaux, qui ont fait l'objet d'une publication dans la revue Plos One(1) en janvier 2012, reposaient sur une tâche d'« oubli dirigé ». En d'autres termes, il fut demandé à des volontaires d'oublier certaines informations qui leur avaient été communiquées.

Concrètement, 17 étudiants âgés de 20 à 32 ans (9 hommes et 8 femmes) se virent présenter, durant une phase d'apprentissage (encodage en mémoire), 100 mots de 6 lettres, lesquels apparaissaient durant une seconde sur un écran d'ordinateur. Chaque présentation de mot était suivie d'une instruction qui demeurait affichée durant 3 secondes. Quelle instruction ? Pour 50 mots : « À retenir », et pour les 50 autres : « À oublier », l'ordre des mots étant fixé aléatoirement. Qu'était-il demandé aux participants ? D'abord, de lire mentalement chaque mot et de ne retenir que ceux qui étaient suivis de l'instruction « À retenir », donc d'oublier les autres. Par ailleurs, les expérimentateurs avaient précisé, pieux mensonge, que l'épreuve ultérieure serait un simple test de mémoire relatif aux mots à retenir.

Procédure-oubli

(1) C. Bastin, D. Feyers, S. Majerus, E. Balteau, C. Degueldre, A. Luxen, P. Maquet, E. Salmon, F. Collette, The Neural Substrates of Memory Suppression : A fMRI Exploration of Directed Forgetting, in Plos One, janvier 2012, volume 7, Issue 1, e29905.

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