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Le plan Schlieffen
07/05/2014

Schlieffen ? Tout le monde ou presque sait de qui il s’agit et surtout n’a guère de doutes sur son « œuvre » : le plan d’attaque de l’armée allemande en 1914, prévoyant la traversée de notre pays pour écraser la France avant de se retourner contre la Russie ! Une vision quelque peu réductrice, fausse même à certains égards, mais qui se répandra sans doute encore longtemps. Sauf à lire le très intéressant ouvrage (1) que Christophe Bechet, assistant  à l’Université de Liège et spécialiste de l’histoire de la Première Guerre mondiale, vient de lui consacrer.

COVER-Von-SchlieffenAvant de décortiquer ce qu’on appelle communément le plan Schlieffen et la pensée stratégique de son auteur, Christophe Bechet emmène son lecteur à la rencontre de l’homme et de son milieu. On y prend conscience que Schlieffen est avant tout un homme du XIXe siècle. Il est en effet né en 1833 au sein de la noblesse terrienne prussienne et son père, militaire, s’est distingué sur les champs de batailles napoléoniens ! Voilà qui est loin du premier conflit mondial. Le milieu auquel appartient le jeune Alfred ne laisse planer aucun doute quant à son éducation et sa future destinée : dès 9 ans, il est pensionnaire d’une école à la fois très religieuse et militaire (les élèves ont des grades), qui n’accueille que les fils des plus grandes familles de l’aristocratie terrienne et dont la ligne pédagogique est simple : « faire comprendre aux jeunes garçons que le groupe, le bien commun sublimaient toujours l’individu et que les joies et les peines devaient être partagées en communauté », résume Christophe Bechet. Une ligne que les religieux appliquent au travers de pratiques qui nous paraissent actuelles par certains aspects : pas de classes figées mais des groupes de camaraderie où chacun évolue selon ses compétences, pratique de sports mais aussi de travaux physiques comme le jardinage et activités « d’éveil », comme on dirait aujourd’hui, telles des promenades et excursions multiples au cours desquelles les enseignants inculquent à leurs élèves l’amour de la patrie (Heimat) et leur font découvrir les gloires du passé national. Les cinq années passées dans ce Pedagogium vont apparemment marquer durablement le jeune Alfred même s’il poursuit ensuite sa scolarité à Berlin. Au terme de celle-ci, le jeune homme ne semble pas beaucoup croire en une carrière militaire à cause d’une forte myopie. Il s’inscrit donc comme étudiant en droit à l’université de Berlin… tout en se portant volontaire dans un régiment de Uhlans de la garde. Expérience concluante sans doute puisqu’il abandonne le droit au bout de quelques mois pour se consacrer aux armes. En 1858, il intègre la Kriegsakademie, l’école qui prépare notamment à la carrière d’officier d’état-major. Son début de carrière n’a rien d’exceptionnel. Notons qu’il participe à la guerre contre l’Autriche en 1866 puis à celle contre la France en 1870 (après avoir été attaché militaire à Paris !). Mais Helmuth von Moltke (le « grand » Moltke), chef du Grand Etat-major n’apprécie guère ce subalterne qu’il juge manquant de « vivacité ».  Un avis qui ne changera pas jusqu’à l’été 1875 et le kriegspiele qui se déroule cette année-là en Poméranie (dans son livre, Christophe Bechet insiste sur l’importance de ces grandes manœuvres annuelles dans la formation des troupes allemandes, passage qui n’est sans doute pas le moins intéressant et pour lequel nous renvoyons à l’ouvrage). A partir de là, sa carrière s’accélère, d’abord en tant que commandant du prestigieux premier régiment des Uhlans de la garde puis comme officier au Grand Etat-major à partir de 1884. En 1888, Waldersee succède à Moltke à la tête du GQG et Schlieffen devient l’un de ses trois adjoints avec grade de lieutenant-général. Selon ses dires, cela aurait dû être l’apogée de sa carrière. C’était sans compter sur un faux pas de Waldersee qui mécontente l’empereur Guillaume II lors de manœuvres (encore !). Quelques mois plus tard, le 7 février 1891, Schlieffen le remplace et accède ainsi à la plus haute fonction de l’armée impériale.

(1) Alfred von Schlieffen. L’homme qui devait gagner la Grande Guerre. Christophe Bechet, Paris, Argos.

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