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Le plan Schlieffen
07/05/2014

Les plans de guerre

Dans son ouvrage, Christophe Bechet s’attarde sur le rôle de ce Grand Etat-major qui gagne son autonomie et son pouvoir à partir de la guerre contre l’Autriche puis celle contre la France et surtout sur la composition et l’organisation de l’armée allemande dont il montre comment elle s’affranchit de plus en plus de son ministère de tutelle (et donc du pouvoir politique). Qu’il nous suffise ici de relever que parmi les missions dévolues au Grand Etat-major figure « la préparation des plans de guerre fondés sur des mesures concrètes à réaliser en temps de paix, avant que le danger ne devienne imminent », explique l’auteur. La preuve incontestable de la préméditation allemande ? Certainement pas, selon Christophe Bechet : « il serait plus logique d’employer l’expression moins martiale de plans en cas de guerre ». Et l’Allemagne n’est certes pas seule à se livrer à ce petit jeu. « L’existence de « plans de guerre » avant 1914, en Allemagne comme en France d’ailleurs, ne signifiait naturellement pas que les armées de ces deux nations réclamaient nécessairement un conflit ». Et surtout, innovations technologiques aidant, dont le rôle croissant des chemins de fer, il est devenu de plus en plus nécessaire d’institutionnaliser l’élaboration de ces plans et même de leur révision. « Par conséquent, explique Christophe Bechet, en France ce ne sont pas moins de 17 plans de guerre qui furent élaborés entre 1871 et 1914, eux-mêmes divisibles en sous-plans et variantes nombreuses. En Allemagne, le processus de révision était encore plus systématique puisque les plans de guerre étaient modifiés chaque année ».

Dans quelle mesure ces plans étaient-ils rigides, reproche souvent formulé à Schlieffen après guerre ? Là encore, l’historien liégeois fait la part des choses. Les plans sont en effet assez stricts pour leurs trois premières phases (mobilisation, transport en train, débarquement et déploiement à proximité du théâtre des opérations), beaucoup moins pour la quatrième, à savoir les premières opérations. « Dans la pensée militaire allemande, explique Christophe Bechet, détailler stricto sensu le plan d’opérations au-delà des premières journées de marche était dénoncé comme un fantasme de stratège en chambre. »

Le plan Schlieffen

Mythique plan SchlieffenLa nécessité de réviser fréquemment les plans avait une autre origine que l’évolution technologique ou les capacités ferroviaires : la situation géopolitique de l’empire. Après la défaite française de 1871 et le Congrès de Berlin de 1878, défavorable à la Russie, l’Allemagne a vécu dans la hantise d’être prise en tenaille entre deux nations qui lui étaient hostiles. « Il en découlait dans les esprits des plus hautes autorités civiles et militaires de l’Allemagne wilhelmienne, l’entretien d’une vigilance de tous les instants, propre aux défenseurs d’une citadelle assiégée ». Mais autour de cet axe stratégique, que d’hésitations en fonction de la situation politique ! Moltke prévoit tout d’abord une offensive à outrance à l’est, les forteresses gardant le Rhin étant à ses yeux suffisantes pour arrêter les Français. Changement de cap après la mise au point des obus à la mélinite capables de transpercer les murs de ces vieilles forteresses (plan 1887/1888) : cette fois, la concentration est maximale face à la France. Les relations franco-allemandes deviennent moins tendues ? Moltke, dans son dernier plan (1888/1889) prône l’offensive à l’est ! Après l’alliance militaire franco-russe de 1894, Schlieffen prône le maintien de deux grandes variantes –une française et une russe-, permettant de s’adapter à la flexibilité de la politique extérieure du Reich. Mais deux variantes qui ne sont pas nécessairement applicables simultanément : on est toujours prêt à choisir l’une ou l’autre si l’alliance franco-russe ne se concrétise pas sur le plan militaire. Ainsi donc, dans l’esprit de Schlieffen, l’Allemagne devait se battre contre un seul adversaire ou contre les deux à la fois. C’est son successeur, Moltke le jeune, qui, durant l’hiver 1912-1913, va rompre avec cette tradition, convaincu que l’Allemagne t sera obligée en toute situation de se battre sur les deux fronts simultanément  (rappelons que Schlieffen meurt en 1913 et qu’il ne connaîtra donc pas la guerre).

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