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Le plan Schlieffen
07/05/2014

Mais pourquoi alors en revient-on toujours au mythe du Plan Schlieffen ? Parce qu’à la fin de sa carrière, au cours de l’hiver 1905-1906, Schlieffen édite son Groβe Denkschrift (Grand Mémoire), sorte de testament stratégique qui resta pendant longtemps le seul document sur lequel les historiens travaillèrent, les plans précédents de Schlieffen étant perdus, du moins le croyait-on. Et dans ce Mémoire, il est toujours bien question d’une attaque de la France seule (c’est d’autant plus vraisemblable que la Russie vient d’être sèchement battue par le Japon) dont il est prévu qu’elle résiste dans ses forteresses. Pour éviter ce piège, Schlieffen prévoit donc de contourner le frontière en passant non seulement par le Luxembourg et la Belgique, mais aussi par les Pays-Bas car, estime-t-il, son aile droite ne pourra pas se déployer assez en Belgique à cause du contrôle exercé par les forts de Liège et Namur sur les axes ferroviaires et routiers de la vallée de la Meuse ! Quant à Moltke, il n’aurait fait que récupérer à quelques détails près le concept du fameux mémoire. Du coup, par un glissement sémantique aisément compréhensible, le plan d’attaque allemand de 1914 est devenu le plan Schlieffen et réciproquement…

Christophe Bechet montre bien le saut majeur de la pensée de Schlieffen : jusqu’au Grand Mémoire et plus encore son dernier plan, celui de 1905-1906, Schlieffen ne prévoit pas d’envahir la Belgique ni a fortiori les Pays-Bas, tout au plus prévoit-il une ou deux armées face aux Ardennes belges. Puis, dernier plan : cinq armées sur huit passent par la Belgique, dont deux après avoir effectué un mouvement tournant sur le territoire des Pays-Bas. Pour lui en effet, le moment est venu d’envisager une offensive d’envergure contre la France car la Russie, épuisée et battue, n’interviendra pas. Mais aussi d’en finir rapidement car il a compris qu’avec la puissance de feu dont disposent désormais les armées, les attaques vont être meurtrières. « Schlieffen constate, explique Christophe Bechet que si la guerre se prolonge, elle épuisera l’économie des belligérants. Il redoute aussi que la mobilisation de ces millions d’hommes  pendant plusieurs années n’épuise le corps social et ne finisse par provoquer une révolution.»  L’avenir va lui donner raison !

Le « vrai » plan d’invasion

Mais alors, quel plan a été à la base de l’invasion de notre pays en août 14 ? Le plan concocté par le successeur de Schlieffen, Moltke le Jeune, pour le distinguer de son oncle, Moltke l’ancien, diffère sur plusieurs points de celui de Schlieffen comme l’analyse Christophe Bechet. Tout d’abord, le plus important : il n’est plus question d’une offensive unique contre la France tout en ne maintenant qu’un minimum de troupes à l’est. Moltke qui a bien pris en compte la solidité de l’alliance franco-russe ne croit pas que la Russie va rester sans réactions ni même qu’elle mettra beaucoup de temps à réagir. Il est donc obligé de prévoir davantage de forces à l’est que ce qu’avait prévu Schlieffen, ainsi qu’une offensive massive contre la Russie. Deuxième point : Schlieffen s’attendait à une stratégie défensive de la part de la France. Ce n’est plus le cas en 1914 ; Moltke sait que la France prépare une offensive en Lorraine, ce qui l’oblige à y masser également davantage de forces. Troisième différence : Moltke ne veut plus envahir les Pays-Bas. Il a parfaitement conscience que la guerre risque de durer et de l’importance des ressources économiques ; il ne veut donc pas que les ports hollandais soient soumis au blocus de la Royal Navy. Enfin, quatrième modification : puisque le mouvement de l’aile droite doit se limiter au territoire belge, il faut exploiter au mieux et au plus vite les voies de communication de notre pays. Il inclut donc la prise rapide de Liège selon le scénario d’un coup de main (Handstreich). « Ce dernier point, explique Christophe Bechet, implique de façon automatique que l’armée allemande viole la neutralité belge, sans attendre de connaître les intentions des Français et des Anglais. Il s’est enfermé ici dans une logique très contraignante et évacue du même coup toute chance d’une ultime négociation avec les Français et les Anglais. Cela lui sera beaucoup reproché dans la suite, mais avait-il seulement le choix ? »

Vrai Plan Schlieffen ok

Les historiens de l’ULg s’associent très activement aux multiples activités organisées en 2014 dans le cadre de la commémoration du centenaire de la Première guerre mondiale. Toutes les infos sont diposnibles sur le site de l'ULg http://www.ulg.ac.be/cms/c_3857316/fr/luniversite-de-liege-et-le-centenaire-de-14-18

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