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Quand Google défie le droit
25/10/2011

Un deuxième problème tient au déséquilibre des contrats passés entre les partenaires. « En échange de la numérisation par scannage, les bibliothèques reçoivent une copie du livre sous la forme d’un fichier numérique. La copie remise par Google est une simple reproduction en « mode image » et non en « mode texte. » En fait, Google ne fait pas bénéficier les bibliothèques partenaires de ses innovations et de la valeur ajoutée qu’il apporte aux fichiers numérisés. » Le Programme Partenaires a lui aussi fait apparaître des divergences de vue entre les cosignataires. « Certains éditeurs s’inquiètent effectivement de ce que la partie du livre rendue visible en « aperçu limité » sur Google Books – par exemple, 30% du livre – n’est pas fixe, ce qui permet, si on multiplie les demandes d’ « aperçus limités » d’avoir accès à une grande partie de l’ouvrage. » En France, une action en justice a été introduite en juin 2006 par le groupe La Martinière, dont font partie les éditions Le Seuil. Dans sa décision de décembre 2009, le juge a considéré que la numérisation et mise en ligne sans autorisation ni rémunération portait atteinte au droit d’auteur, et que Google ne pouvait ni se prévaloir d’une exception, ni se contenter de retirer des livres en cas de refus des ayants droit. La décision rappelle que le droit d’auteur nécessite d’obtenir une autorisation préalable (opt-in), qu’un distributeur ne peut proposer un modèle reposant sur une opposition a posteriori (opt-out). Depuis, les parties ont signé une transaction en août 2011. L’accord autorise Google à numériser les ouvrages que l’éditeur a préalablement sélectionnés et à en tirer des revenus qui sont pour partie reversés aux éditeurs et auteurs. Ce qui préserve le droit d’auteur tout en organisant un partenariat commercial a priori favorable à tous.

Google books
2. Google News. En proposant une « sélection réactualisée en permanence d’articles provenant de multiples médias en ligne », les agrégateurs de flux d’actualités comme Google News posent quant à eux un défi à la presse : celui d’une « concurrence sur l’accès au contenu journalistique professionnel à travers un outil automatisé ». Aux Etats-Unis contrairement à la Belgique, Google News a déjà intégré la publicité à son service ce qui lui permet de générer des revenus sur base de contenus repris sans autorisation ni contrepartie financière à d’autres médias. Les éditeurs de presse y voient donc une forme de concurrence parasitaire. Google justifie son refus de payer pour l’usage qu’il fait des articles en ligne. en arguant que son service profite aux éditeurs en ceci qu’il génère du trafic vers leurs contenus – lesquels sont financés par la publicité. « Une étude menée aux Etats-Unis montre pourtant que près de la moitié des visiteurs de la page Google News ne cliquent pas sur les liens des éditeurs et, de ce fait, ne sont pas exposés aux publicités des pages des éditeurs. » La question est dès lors de savoir si Google News doit être considéré comme un produit de substitution ou bien un nouveau moyen de diffusion pour les éditeurs de presse. L’affaire opposant Copiepresse (2) à Google depuis 2006 dans notre pays illustre bien le conflit. Du point de vue juridique, les décisions rendues en première instance (février 2007) et en appel (mai 2011) ont pleinement donné raison aux éditeurs qui agissaient en justice pour violation des droits d’auteur. L’un des arguments économiques avancés était que le service de Google offre les informations dont se contentent la plupart des lecteurs en ligne, à savoir le titre et l’accroche des articles. L’affaire est intéressante à un autre égard : «  elle met en lumière une autre limite juridique à l’agrégation des contenus journalistiques : les droits moraux des auteurs journalistes reconnus dans le système européen du droit d’auteur n’existent pas avec la même force dans le monde anglo-saxon. En ne citant pas les journalistes, en désarticulant la ligne éditoriale originale, Google porte également atteinte au droit de paternité et d’intégrité. »

Avec OnePass, sa plateforme de paiement de journaux en ligne lancée en février 2011 pour concurrencer Apple Press, Google est néanmoins en train de changer d’approche en acceptant de payer les producteurs de contenus. FastFlip, un autre produit en phase de développement qui réunit des « unes » de journaux en ligne (moyennant contrepartie pour les éditeurs), s’inscrit lui aussi dans un mode de diffusion plus respectueux des droits d’auteur. Mais Google vient d’annoncer en septembre 2011 qu’il y mettait fin. Pour Google News qui reste disponible, Google refuse toujours de payer les éditeurs, mais paie en revanche pour les dépêches d’agence qu’il utilise. Deux poids, deux mesures?

(2) Copiepresse est une société de gestion de droits des éditeurs belges de la presse quotidienne francophone et germanophone.

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