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D’une feuille à l’autre
05/02/2015

Les chercheurs ont réalisé des études quantitatives et dressé des diagrammes qui montrent la probabilité de présence des pathogènes en fonction de la distance à la plante dont ils proviennent, des diagrammes de probabilité qui peuvent servir à estimer le risque de propagation dans le cas où l'espacement entre plantes est inférieur à la distance maximale de propagation.

Ces résultats ont ensuite été validés sur des plantes réelles (plants de tomates, fraisiers, citronniers, caféiers), expériences qui ont confirmé les ordres de grandeur obtenus en laboratoire. L’étude détermine donc une distance optimale théorique à laquelle on pourrait, on devrait planter. Ainsi, il est possible de quantifier le risque, notamment en fonction du développement de la plante car plus le feuillage grandit, plus les chances de dispersion augmentent. Il y a donc des moments plus critiques que d’autres qui méritent qu’on dispense des pesticides alors qu’à d’autres, c’est inutile. 

« Ces espacements de 80-90cm, précise Tristan Gilet, ne feront probablement pas peur aux adeptes de la polyculture, cette pratique ancestrale - abandonnée par notre agriculture industrielle - qui consiste à mélanger/alterner plusieurs espèces dans un même champ. Il a été constaté que les polycultures sont plus robustes face aux maladies, mais personne n'a pu vraiment dire pourquoi. Si plusieurs pistes existent, invoquant souvent la complémentarité biochimique des espèces, notre étude semble indiquer qu'une combinaison astucieuse des feuillages peut également faire office de barrière mécanique à la propagation des maladies. »

15% des cultures perdus

Le type de gouttes influence-t-il la dispersion ? Plus les gouttes sont petites, moins elles ont le pouvoir de fragmenter ce qu’il y a sur la feuille. Les chercheurs ont donc étudié  les gouttes les plus grosses, les plus rapides. Car il existe une limite physique à la formation de gouttes dans l’air. Quand les gouttes chutent, si elles sont trop grosses, elles doivent faire face à un vent relatif trop important, ce qui provoque la formation d’une sorte de parachute : l’air entre dans la goutte, ce qui va provoquer son explosion et sa fragmentation en gouttes plus petites. Il existe donc une taille maximale de goutte, juste avant ce phénomène de fragmentation ; c’est la taille la plus critique pour la propagation des pathogènes.

Les différents axes de recherche poursuivis au Microfluidics Lab relèvent sans doute du désir de comprendre des phénomènes naturels… mais ils intéressent aussi les industriels et le monde économique. C’est le cas de ces recherches sur la manière dont les maladies se répandent dans les cultures, conduites en collaboration étroite avec le laboratoire du professeur Bourouiba au MIT (1).

Champignons, bactériesvirus sont responsables de la perte de près de 15% de la production agricole mondiale. Mais, surtout, les moyens pour lutter contre ces pathogènes sont limités : épandage de pesticides divers ou sélection de variétés résistantes, grâce notamment aux modifications génétiques. Comprendre comment les maladies se répandent permettrait donc sinon d’éliminer les pesticides, du moins d’en limiter la dispersion et peut-être d’avoir moins recours aux OGM.

Lydia Bourouiba est l’Esther & Harold E. Edgerton Career Development Assistant Professor au Massachusetts Institute of Technology.  Elle est également Associate Faculty à l’Institute for Medical Engineering and Science. Mathématicienne et physicienne, elle mène ses recherches à la croisée entre la dynamique des fluides et l’épidémiologie. Plus spécifiquement, le laboratoire de recherche qu’elle a fondé et dirige the Fluid Dynamics of Disease Transmission Laboratory: http://lbourouiba.mit.edu) étudie les mécanismes responsables de la dynamique de transmission des maladies au sein des populations humaines, animales et végétales et se concentre sur ceux ou les gouttes, bulles, écoulements multi-phases et fluides complexes sont au coeur de la physique de propagation.

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