Le site de vulgarisation scientifique de l’Université de Liège. ULg, Université de Liège

Faut-il avoir peur de l'immersion bilingue précoce ?
13/12/2013

Dans la tâche de flexibilité mentale (qui évalue la capacité de porter son attention d'une cible à l'autre), un dragon bleu et un dragon vert apparaissaient tour à tour aléatoirement soit du côté droit, soit du côté gauche d’un écran d‘ordinateur. L’enfant disposait de deux touches de réponse, l’une à droite du clavier, l’autre à gauche. Au premier essai, il devait appuyer sur la touche qui était du même côté que celui où apparaissait le dragon vert, et à l’essai suivant, du côté où apparaissait le dragon bleu (qui pouvait être le même côté que celui où était apparu le dragon vert à l’essai précédent). Et ainsi de suite. En clair, la flexibilité mentale reposait ici sur la capacité d'inhiber l'intention - matérialisée par le mouvement de la main - de pousser sur un des 2 boutons si cette intention était inappropriée.

Quelles furent les conclusions de cette étude ? Dans les trois tâches, les enfants placés en immersion linguistique depuis 3 ans avaient en moyenne un taux d'erreurs similaire à celui de leurs camarades monolingues, mais ils étaient plus rapides. Bien que léger, l'avantage était significatif. « Cela veut dire qu'ils contrôlaient mieux la situation sur le plan cognitif, ce qui se traduisait par un temps de réponse plus court aux stimuli », explique Martine Poncelet.

Et d'ajouter : « Par la suite, nous avons obtenu des résultats semblables chez des enfants dont nous nous étions assurés que les performances cognitives étaient les mêmes, en moyenne, avant qu'ils entrent en immersion linguistique ou se dirigent vers un enseignement monolingue (6). »

Contrairement à ce que laissaient entendre les études d'Ellen Bialystok, l'avantage observé semble néanmoins se perdre au fil du temps. Les psychologues de l'ULg ont soumis des enfants de 6ème primaire et les tout premiers adultes à avoir été placés en immersion linguistique précoce au lycée Léonie de Waha, en 1989, à des tests d'attention sélective auditive, d'attention divisée et de flexibilité mentale. Aucune différence entre ces deux échantillons et des populations contrôles de sujets monolingues du même âge ne fut trouvée. L'avantage conféré par le bilinguisme est-il donc momentané ? Et pourquoi ?« Pour l'adulte, une des hypothèses avancées par certains auteurs est que l'individu atteint le sommet de ses capacités attentionnelles et exécutives vers 25 ans et que, par définition, ce sommet ne peut être dépassé, dit Martine Poncelet. Une autre hypothèse postule que l'avantage du bilinguisme résulte du passage fréquent d'une langue à l'autre, mais que nombre d'adultes n'ont plus l'occasion d'employer régulièrement leur seconde langue. »

Enfant lectureCela n'explique pas pourquoi l'avantage cognitif découlant du bilinguisme semble s'être déjà effacé chez les enfants de 6ème primaire. « De toute façon, précise encore la chercheuse, nous devrons confirmer ce résultat en reproduisant notre étude sur une population plus large - nos travaux portaient sur une trentaine d'enfants. Nous souhaitons également déterminer à quel moment de l'immersion l'avantage cognitif éclot. D'où notre intention de procéder à des évaluations après un an et demi d'immersion. »

(6) Nicolay, A.-C., & Poncelet, M. (soumis). Cognitive benefits in children enrolled in an early bilingual immersion school: A follow-up study.

Page : précédente 1 2 3 4 5

 


© 2007 ULi�ge