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Faut-il avoir peur de l'immersion bilingue précoce ?
13/12/2013

Les bonnes cartes

apprentissageL'unité de Neuropsychologie du Langage et des Apprentissages de l'Université de Liège mène depuis un certain nombre d'années des recherches sur l'immersion bilingue scolaire précoce. Elle s'est notamment penchée sur la question de l'effet de l'immersion anglaise sur la maîtrise du français écrit.

Au cours d'une étude publiée en 2009(3), les psychologues de l'ULg ont évalué systématiquement des enfants de la 2ème à la 6ème primaire sur la base de tests standard de lecture, puis d'épreuves beaucoup plus fines faisant appel, par exemple, à des lettres qui ne se prononcent pas de la même manière en anglais qu'en français. Pour rappel, ces enfants apprenaient à lire en anglais, puis en français l'année suivante.

Qu'ont dévoilé les résultats de cette étude ? Martine Poncelet : « Tout d'abord, en ce qui concerne la lecture, les enfants immergés en anglais atteignent, dès la 3ème primaire, le même niveau que les monolingues à des tests très généraux de compréhension à la lecture (en français), mais également à des tests impliquant le déchiffrage en français d'items contenant des lettres qui ne se prononcent pas de la même manière en français et en anglais. En ce qui concerne l'écriture en français, nos résultats ont révélé que les enfants immergés en anglais atteignent, en 3ème primaire, un niveau général d'orthographe semblable à celui de leurs pairs monolingues et qu'à la fin de la 5ème primaire, ils maîtrisent tout aussi bien que ces derniers la transcription des graphèmes qui diffèrent le plus entre le français et l'anglais. »

Au total, en 6ème primaire, que ce soit pour la lecture ou l'orthographe, il n'y a, selon cette étude, aucune différence entre enfants placés en immersion bilingue et enfants monolingues. Évidemment, il s'agit ici d'une moyenne dont certains enfants s'écartaient dans un sens ou dans l'autre.

À travers une étude publiée en 2013 dans Journal of Expérimental Child Psychology(4), Martine Poncelet et Anne-Catherine Nicolay, maître de conférence au département de Psychologie : Cognition & Comportement, ont soulevé une autre question clé : tous les enfants sont-ils aptes à tirer profit de l'immersion bilingue ? « Notre but n'était pas de faire de la discrimination mais, au contraire, de mettre en évidence certaines caractéristiques qui ne faciliteraient pas l'immersion, afin d'aider les enfants éventuellement moins "doués" à pouvoir y accéder malgré tout », confie Martine Poncelet.

Anne-Catherine Nicolay a évalué, à côté de l'efficience intellectuelle, toute une série de compétences cognitives et linguistiques chez des enfants de 3ème maternelle, juste avant leur entrée en immersion : la mémoire à court terme verbale, la discrimination auditive (la capacité cognitive de bien distinguer les sons), la conscience phonologique, ainsi que les ressources attentionnelles et exécutives. Ensuite, année après année, elle a mesuré, chez ces mêmes enfants, les capacités d'acquisition du vocabulaire dans la seconde langue au terme de la première, de la deuxième et de la troisième primaires.

(3) Nicolay, A.C., Fantauzzi, A., Comblain, A., & Poncelet, M. (2009). Impact de l'apprentissage de la lecture et de l'écriture en anglais sur l'acquisition ultérieure de la lecture et de l'orthographe en français chez des enfants francophones immergés en anglais. In N. Marec-Breton, A.-S. Besse, F. de la Haye, N. Bonneton-Botté &, E. Bonjour. (Eds), Apprentissage de la langue écrite. Approche cognitive (pp.49-66). Rennes : Presses Universitaires de Rennes.
(4) Nicolay, A.-C., & Poncelet, M. (2013). Cognitive abilities underlying L2 vocabulary acquisition in an early L2-immersion educational context: A longitudinal study. Journal of Experimental Child Psychology, 115, 655-671. http://orbi.ulg.ac.be/handle/2268/153896

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