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Les secrets du lac Kivu
26/10/2012

Une équipe internationale et interdisciplinaire de chercheurs publie un ouvrage synthétisant l’ensemble des connaissances actuelles sur le lac Kivu. Un lac qui fait l’objet de grandes convoitises scientifiques et industrielles depuis une grosse dizaine d’années. Un écosystème aux caractéristiques chimiques, biologiques et géologiques qui le rendent unique au monde.

Entre la République Démocratique du Congo et le Rwanda, les eaux paisibles du lac Kivu dorment coincées au milieu d’une chaîne volcanique à 1400 mètres d’altitude. Aujourd’hui, elles se répandent sur une superficie de 2700 kilomètres carrés et plongent jusqu’à 485 mètres de profondeur. Depuis les premières légendes africaines jusqu’aux recherches scieCarte-Kivuntifiques actuelles, en passant par les comptes-rendus romantiques des explorateurs de la fin du XIXème siècle, le lac fait l’objet de bien des histoires. Pourtant, pendant très longtemps, il n’intéresse pas les hommes autant que d’autres Grands lacs d’Afrique. Sa chaîne alimentaire, dans un premier temps, semble peu développée, et la biomasse du lac n’est a priori pas suffisamment séduisante pour permettre le développement d’une pêche importante.

Des études ont cependant permis d’y repérer approximativement 60 kilomètres cubes de méthane (CH4) et 300 kilomètres cubes de dioxyde de carbone (CO2). Les deux gaz sont prisonniers dans les couches profondes du lac. L’extraction de ce gaz pourrait être la première étape d’une production massive d’électricité, équivalente à plus de 100 milliards de kilowatt-heure. Au-delà de l’aspect économique, un autre enjeu pousse les scientifiques à prôner une exploitation du méthane : une trop grande concentration de ce gaz pourrait en effet provoquer une éruption catastrophique.

Parallèlement, dans les couches supérieures du lac, une biodiversité jusqu’il y a peu insoupçonnée évolue, et permet une pêche relativement importante. A l’aune d’une extraction massive du CH4, une équipe de chercheurs pluridisciplinaire et internationale, emmenée par Jean-Pierre Descy de l’Université de Namur, Martin Schmid de l’Institut Fédéral Suisse de Science et Technologie Aquatique, et François Darchambeau de l’Université de Liège, a décidé de compiler l’ensemble des connaissances du lac dans un ouvrage de référence (1), y abordant ses aspects physiques, chimiques, géologiques et biologiques. Outre l’ambition de prévoir les conséquences d’une extraction du CH4 irrespectueuse du lac, les chercheurs dressent un portrait complet de cet écosystème et affichent la volonté d’en faire un véritable ouvrage de référence d’étude de la limnologie tropicale. 

Un couvercle permanent à 250 mètres

Le lac Kivu est un lac méromictique. C’est-à-dire, un lac dont les eaux de surface et les eaux profondes ne se mélangent jamais. Si ces eaux ne se mélangent pas, c’est principalement pour deux types de raison. Tout d’abord, sa profondeur et sa faible exposition aux vents, empêchant la convection par la force du vent d’y mélanger les eaux au-delà de quelques dizaines de mètres de profondeur. « Actuellement, les eaux de surface, bien que plus froides, sont en effet moins riches en sel que les eaux profondes, développe François Darchambeau, chargé de recherche à l’Unité d’Océanographie Chimique de l’ULg et coéditeur de l’ouvrage. Les eaux profondes sont d’environ 2°C plus chaudes que les eaux de surface mais elles sont surtout beaucoup plus riches en sel (jusqu’à 6 grammes par litre). Cette richesse en sel joue sur la densité de l’eau et augmente considérablement l’énergie nécessaire pour provoquer un mélange complet des eaux du lac. Comme celui-ci se situe à 1400 mètres d’altitude, coincé au milieu d’une chaîne volcanique dont les sommets dépassent les 4000 mètres et bloquent donc partiellement les vents, cette énergie n’est pas présente. Ainsi, seuls les 60 premiers mètres du lac se mélangent régulièrement, lors de chaque saison sèche. » 

(1) Jean-Pierre Descy, François Darchambeau, Martin Schmid and co., Lake Kivu, Limnology and biochemistry of a tropical great lake, Springer, 2012.

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