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Des experts qui ont le nez fin
24/08/2012

On imagine aisément les applications concrètes de telles découvertes dans le domaine de l’investigation policière. Mais le champ potentiel des applications pourrait s’avérer bien plus vaste, certaines momies continuant à dégager des substances olfactives pendant des centaines, voire des milliers d’années, après leur ensevelissement. De telles avancées technologiques pourraient aussi aider à mieux comprendre l’habileté des chiens à trouver les cadavres. Et, plus concrètement, à mieux les entraîner à l’avenir ; par exemple en améliorant et en diversifiant la composition chimique des solutions aujourd’hui utilisées dans le commerce, autour desquelles les laboratoires privées entretiennent un halo de mystère. Verra-t-on un jour les enquêteurs de police utiliser des détecteurs de cadavre aussi facilement qu’on utilise aujourd’hui des détecteurs de métaux ? « On n’en est pas encore là, répond Jessica Dekeirsschieter, chercheuse au sein de l’ Unité d’Entomologie fonctionnelle et évolutive, pour qui la méthode mise au point avec le Département de chimie marque l’aboutissement de cinq années de recherches doctorales.  Mais on peut raisonnablement espérer arriver, à moyen terme, à identifier la signature chimique spécifique d’un individu blessé dont le corps n’est pas entré en putréfaction. Et, de là, dresser des chiens ou d’autres animaux à leur détection. Il est vrai que la recherche, dans ce domaine délicat, est freinée par des considérations éthiques et hygiénistes bien compréhensibles. Seuls les Etats-Unis permettent la recherche scientifique sur le corps humain en décomposition en relation avec la science forensique. En Belgique notamment, on travaille essentiellement sur le porc du fait qu’il présente de nombreuses similitudes avec l’homme : peau claire, système digestif monogastrique, flore intestinale proche de la nôtre, même mode d’entrée des insectes nécrophages dans le corps (via les orifices naturels), etc. »

Nul doute que la méthode mise au point par les laboratoires liégeois et gembloutois sur la base du « modèle cochon » sera bientôt utilisée, outre Atlantique, sur le modèle humain. « Pour y arriver, il faudra nécessairement travailler sur différents scénarios, commente Jessica Dekeirsschieter. On peut, en effet, raisonnablement supposer qu’un corps emballé dans une couverture et un corps emballé dans un plastique n’émettront pas le même profil d’odeurs. On peut également s’attendre à ce que, malgré la proximité homme/porc, certains bio-marqueurs olfactifs soient spécifiques à l’homme. » En réalité, malgré ses aspects quelque peu repoussant pour le commun des mortels, le champ d’investigation de l’entomologie forensique et, au-delà de celle-ci, de l’étude de l’ensemble des odeurs liées à la mort semble gigantesque. « On sait, aujourd’hui, que certaines espèces d’araignées dessinent leur toile différemment si un cadavre est présent dans la pièce, explique Eric Haubruge, chiens-sauveteursresponsable de l’Unité d’entomologie fonctionnelle et évolutive et vice-recteur de l’Université de Liège. Et que certains poissons peuvent même être entraînés à détecter des cadavres. Les odeurs sont partout ! Dommage que la mort n’intéresse personne… A part, bien sûr, les familles, les juges d’instruction et le DVI ». Et l’entomologiste de regretter qu’à part les bourses octroyées aux doctorants par le Fonds pour la formation à la recherche dans l’Industrie et l’Agriculture (FRIA), tous ces travaux doivent se financer pour le moment, en Belgique, strictement sur fonds propres des laboratoires concernés…

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