Dialogue pupillaire

Différents moyens techniques sont en voie de développement dans le but de communiquer avec les patients cérébrolésés disposant d'une conscience résiduelle. Ils pourraient ainsi exprimer leurs pensées, leurs émotions et leurs souhaits. Le 5 août 2013, des scientifiques allemands, américains, australiens et belges (Camille Chatelle et Steven Laureys, du Coma Science Group) décrivirent, dans Current Biology(1), un moyen de communication simple et original : la dilatation de la pupille.

Tout effort mental entraîne une augmentation du diamètre pupillaire. D'où la question que se posèrent les chercheurs : ne pourrait-on mettre ce phénomène à profit pour communiquer avec des personnes physiquement incapables d'interagir avec leur environnement, tels les patients en locked-in syndrome ? « L'idée fut de poser des questions simples ("Ton prénom est-il François ?"...) à des volontaires sains et à des sujets cérébrolésés et de les inviter à effectuer un calcul mental assez difficile (17x42, par exemple) s'ils voulaient répondre affirmativement, sinon de ne pas réaliser ce calcul, explique Steven Laureys. En guise de confirmation, on leur demandait ensuite de faire un calcul similaire s'ils voulaient répondre par la négative. »

Coma réponse pupille

Ce qui importait n'était pas l'exactitude du calcul éventuellement effectué - les patients cérébrolésés étaient de toute façon incapables d'en communiquer le résultat -, mais le fait que les participants au test aient accompli ou non un effort mental susceptible d'entraîner une dilatation pupillaire. « Chez les volontaires sains, le test s'est révélé probant dans tous les cas ; chez les patients en locked-in syndrome, seulement deux fois sur cinq, précise le directeur du Coma Science Group. Pourquoi ? Sans doute parce qu'ils se trouvaient dans un environnement moins adapté qu'un laboratoire, qu'ils prenaient des médicaments et qu'ils avaient une vigilance et un niveau d'attention parfois fluctuants. »

Une expérience analogue fut tentée avec succès chez un patient en état de conscience minimale, non dans le but de dialoguer avec lui, mais plus prosaïquement pour déterminer si une mesure de dilatation pupillaire permettait de confirmer qu'il possédait une conscience résiduelle.

Pour l'heure, la technique utilisée nécessite une caméra et des moyens d'analyse relativement lourds. « Nous songeons à mettre au point un système intégré moins onéreux et plus facile d'emploi », dit Steven Laureys. Des études sont en cours.

 

Chez les patients souffrant d'un LIS classique, le plus fréquent, les mouvements oculaires verticaux et/ou le clignement des paupières sont préservés. Ces facultés motrices résiduelles leur servent de moyens de communication. Moins rapide, la mesure de la dilatation pupillaire est sans grand avenir pour eux. En revanche, pour d'autres patients, elle pourrait constituer une avancée importante vers le rétablissement d'un mode de communication.

(1)  Stoll J., Chatelle C., Carter O., Koch C. Laureys S., Einhäuser W., Pupil responses allow communication in locked-in syndrome, Current Biology, 2013, Aug 5;23(15):647-8.