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Modéliser la pollution d'un estuaire
10/07/2012

Jeter deux morceaux de bois dans l’eau…

De nombreux chercheurs s’intéressent à ces différents phénomènes inquiétants. Le bateau océanographique Belgica arpente régulièrement nos eaux côtières et l’estuaire de l’Escaut pour permettre aux biologistes et aux chimistes de prélever des échantillons d’eau et les analyser. Une autre voie de recherche est celle de la modélisation mathématique et numérique de la pollution. C’est la voie choisie par le professeur Eric Delhez (Mathématiques générales, Faculté des Sciences appliquées), qui vient de publier un article dans Journal of Marine Systems sur le transport des polluants dans l’estuaire de l’Escaut (1). « Notre modèle vise à prédire le transport des polluants dans l’estuaire. L’objectif global est de développer des outils qui permettent d’éclairer des choix politiques ou techniques d’aménagement du territoire, de limitation des sources de pollution ou encore de prévoir les conséquences d’un accident industriel. »

Carte-ScheldtPour illustrer par une image la difficulté d’un tel modèle, il suffirait de jeter deux morceaux de bois à la source de l’Escaut à Gouy, dans le nord de la France, et d’attendre à l’embouchure à Anvers 360 kilomètres plus loin pour voir s’ils vont arriver côte à côte au même moment. Non évidemment ! Les facteurs susceptibles d’influencer leur parcours sont tellement nombreux ! « Un fleuve, résume Eric Delhez, ce n’est pas un simple tuyau. C’est un système ouvert : le fleuve se jette dans la mer mais la marée rétroagit sur le système (ndlr. dans l’Escaut, la marée se fait sentir jusqu’à 150 km de l’embouchure). La section d’un tuyau est homogène, celle d’un fleuve varie d’un endroit à l’autre : dans l’estuaire de l’Escaut, vous pouvez rencontrer des bancs de sables, des quais, des chenaux… La nature du sol varie également : du sable, de la boue, du gravier... » La difficulté d’une telle modélisation, c’est aussi l’échelle de temps. Nos deux morceaux de bois mettront plusieurs semaines pour descendre l’Escaut. Dans ce laps de temps, la météo peut fluctuer : le vent et la pluie vont évidemment influencer le débit, d’un jour à l’autre, d’une semaine à l’autre, d’une saison à l’autre, d’une année à l’autre. Le système est très complexe mais aujourd’hui les ordinateurs sont assez puissants pour intégrer toutes ces variables.

Plus difficile de modéliser un cube qu’un carré

Les premiers modèles hydrodynamiques sont apparus il y a une trentaine d’années. Un des pionniers dans ce domaine a été le professeur Jacques Nihoul de l’Université de Liège, qui a créé le premier modèle mathématique de la Mer du Nord. Il s’agissait à l’époque de modèles en deux dimensions, destinés à prédire la hauteur des marées et protéger le littoral des effets des tempêtes. Lorsque les calculateurs sont devenus assez puissants, dans les années 90, sont apparus les premiers modèles en trois dimensions, qui tenaient aussi compte de la colonne d’eau. « On n’est plus face à un carré, résume Eric Delhez, mais face à un cube ! C’est 1000 fois plus complexe ! » Certes les lois de base restent celles de la physique newtonienne, comme par exemple F = ma  (Force = Masse x Accélération). Une loi qui, au demeurant, vaut aussi bien pour un fluide que pour une voiture ou un coureur à pieds. Mais pour appréhender l’hydrodynamique d’un estuaire, il faut inventer d’autres équations, qui tiennent compte des variables observées sur le terrain.

(1) DELHEZ E. & WOLK F., Diagnosis of the transport of adsorbed material in the Scheldt estuary: A proof of concept, Journal of Marine Systems, 0924-7963 (in press)

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