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Quand le Grand Bleu met des poissons dans tous leurs états... morphologiques
26/04/2017

FIG2 Arbre Carangidae

Arbre temporel des Carangidae, issu d'un mappage stochastique, selon leur régime alimentaire ou leur habitat. On voit ici qu'on ne peut déterminer avec certitude si l'ancêtre commun vivait en habitat récifal ou non (50/50). Le régime alimentaire a également été une hypothèse, non concluante, de diversification des Carangidae.

« Dans nos analyses, on scinde le type de biodiversité en deux blocs différents : le nombre d'espèces et la disparité, qui correspond à la diversité morphologique. On a donc deux types de diversité que l'on explore différemment. Avec une phylogénie calibrée sur le temps, la longueur des branches exprime le laps de temps qui s'est écoulé entre la divergence de deux lignées. Comme on a une information sur le temps, on peut alors calculer une vitesse de spéciation. Et dans notre cas, que l'espèce vive sur le récif ou non, nous n'avons pas constaté de différences de vitesse de spéciation. 

...mais un effet sur la disparité

 Du côté de la disparité, cependant, des analyses d'espaces de forme nous montrent tout autre chose, comme l'explique Bruno Frédérich : « Il y a plus de diversité de formes dans l'environnement non-récifal actuel qu'il y a plusieurs millions d'années. Le calcul des formes (figure 3) est donc en accord avec les calculs de vitesse : on montre qu'il y a 50 millions d'années, il y avait clairement moins de diversité morphologique dans l'environnement non-récifal par rapport à aujourd’hui. »

FIG3 Disparite habitat

Niveau de disparité selon les périodes et les habitats, via deux méthodes de calcul, (a) et (b). Dans les deux graphes, on voit que la disparité est plus élevée dans l'environnement non-récifal actuellement que lors de l'Eocène.

« Cela montre que l'environnement non-récifal a eu clairement un impact sur la diversification de ces poissons-là. Quand on fait le calcul avec la phylogénie, on voit qu'on a un fort support pour un modèle avec deux vitesses de diversification morphologique : ceux qui ne vivent pas dans les récifs avaient une vitesse d’évolution morphologique presque deux fois plus grande que les espèces récifales.  

Des niches écologiques laissées vacantes

Dans les milieux pélagiques, il faut pouvoir nager vite, loin, longtemps, et pouvoir se camoufler, cet environnement offrant très peu d'abris physiques. Des corps allongés et des écailles reflétant la lumière sont donc de gros avantages en termes de survie. « Il y a plusieurs types de formes qui sont apparues, qui sont un compromis entre voyager sur une longue distance, avec une grande vitesse et optimiser le camouflage. »

D'où les conclusions de l'étude sur les facteurs qui ont pu mener à cette diversification : « On émet l'hypothèse que, comme de nombreuses espèces ont disparu des milieux pélagiques, les Carangidae ont pu "s'engouffrer" dans l'espace disponible et occuper des niches devenues disponibles. Maintenant, savoir pourquoi ce sont ces poissons-là qui ont exploré cet environnement, je n'ai pas encore tout à fait la réponse. Mais on met en évidence que, pour ce groupe de poissons, l'environnement pélagique a été un facteur de diversification. »

Une découverte importante car jusqu'ici, très peu d'études ont pu prouver que l'environnement pélagique pouvait, lui aussi, amener à une diversification.

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