Vers moins d’inondations en Ardenne ?
Le GIEC (Groupe d'experts Intergouvernemental sur l'évolution du climat) prévoit pour le futur plus de précipitations hivernales et donc à priori un risque accru d'inondations en Belgique. En Ardenne, la majorité des débordements de rivières, telles que l'Ourthe, l'Amblève ou encore la Vesdre, survient en hiver et près de la moitié d'entre eux est due à la combinaison de fortes pluies à une fonte rapide du manteau neigeux. Une reconstitution de l'évolution des précipitations et de l'enneigement en Belgique à l'aide d'un modèle du climat, développé au Laboratoire de Climatologie de l'Université de Liège, montre cependant que les conditions climatiques favorisant les inondations hivernales ont diminué en Ardenne au cours de ces cinquante dernières années. Et il en ira encore ainsi dans les années qui viennent. En cause, la diminution prévisible de l’enneigement qui ne sera pas compensée par l’accroissement des pluies. Mais à la fin du siècle, la tendance devrait s’inverser : l'augmentation de la fréquence et de l'intensité des précipitations extrêmes devrait compenser la raréfaction de la neige, si bien qu'il devrait y avoir autant, si pas plus, de périodes favorables aux inondations. En Ardenne, près de 70% des débordements de rivières surviennent en hiver. Si la moitié de ces inondations est causée par le seul effet d'abondantes précipitations, l'autre moitié, les inondations les plus dramatiques, survient lorsque l'eau issue de la fonte rapide du manteau neigeux recouvrant l'Ardenne se combine à de fortes pluies. Dans le futur, le GIEC prévoit pour nos régions une augmentation des précipitations hivernales et une diminution de l'enneigement. Les questions sont les suivantes : Peut-on déjà observer des tendances au cours du XXe siècle ? Dans quelle mesure ces changements affecteront-ils l'occurrence des inondations dans les rivières ardennaises ? Est-ce que l'augmentation des précipitations sera contrebalancée par la diminution de l'enneigement ? Pourquoi utiliser des modèles climatiques ?L'étude de l'évolution récente des précipitations et surtout de l'enneigement n'est pas aisée en Belgique. En effet, les stations mesurant ces variables, en particulier l'enneigement, sont assez récentes et leur nombre est limité, ce qui ne permet pas de calculer des tendances robustes sur notre territoire. C'est ici que les modèles climatiques interviennent. Ces modèles permettent de représenter le climat passé, présent et futur en chaque point du territoire et à tout instant. Grâce au modèle MAR développé à l'Université de Liège, il est possible de reconstituer l'évolution quotidienne des totaux de précipitations, de l'accumulation neigeuse, et des taux de ruissellement (run-off) issu de la fonte de la neige et des précipitations qui contribueront ensuite à gonfler le débit des rivières. Il faut cependant garder à l'esprit que ces modèles ne sont que des représentations simplifiées de la réalité. Ainsi, le modèle utilisé dans le cadre de cette recherche (1) ne simule pas le débit des rivières ni l'évolution de l'expansion du bâti qui contribue à l'imperméabilisation des sols. Le modèle permet juste d'étudier l'évolution des « composantes climatiques » responsables des inondations. Comment évaluer si les modèles sont fiables ?Une fois que le modèle a terminé ses simulations climatiques, il est tout d'abord impératif de vérifier que ses résultats sont cohérents avec la réalité. Pour ce faire, on compare, à l'aide de statistiques, les variables simulées et les variables observées en divers points du territoire correspondant à la localisation des stations météorologiques. Par exemple, à la Figure 1, les hauteurs de neige et les précipitations observées au Mont Rigi (Hautes-Fagnes) sont comparées à celles simulées par le modèle lors de la crue de janvier 2011. Figure 1 : Evolution de la hauteur de neige et des totaux de précipitations Ensuite, les chercheurs ont établi un critère basé sur le run-off moyen (écoulement des eaux de fonte et pluies) calculé par le MAR dans le bassin versant de l'Ourthe afin d'identifier les périodes où les conditions climatiques étaient favorables aux inondations. Ils ont ensuite comparé les dates de ces périodes propices aux inondations avec les dates des périodes durant lesquelles on a effectivement observé des inondations. « Lors de cette étape, il s'est avéré que le modèle était capable de détecter plus de 90 % des périodes durant lesquelles il y a effectivement eu des inondations », se réjouit Coraline Wyard, doctorante (FRIA) au Département de Géographie – Laboratoire de Climatologie de l’Université de Liège et premièreauteure de l’étude. C’est ainsi que, comme le montre la Figure 2, le modèle a été tout à fait capable de détecter la double crue de janvier 2011. (1) Wyard, C., Scholzen, C., Fettweis, X., Van Campenhout, J., & François, L.(2016). Decrease in climatic conditions favouring floods in the south-east of Belgium over 1959-2010 using the regional climate model MAR. International Journal of Climatology, doi: 10.1002/joc.4879. |
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