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Performances cognitives sous privation de sommeil
11/01/2017

Une répétition de tâches suivies de près

Sur l’ensemble des 42 heures, les sujets restent principalement dans leur chambre, et sont presque constamment sollicités. Autrement, ils s’endorment. Au cours de l’expérience, ils effectuent à 13 reprises des tâches répétitives lors de sessions d’acquisition d’images par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf). « Dans la chambre, poursuit Pierre Maquet, nous répétons une série d’autres tâches toutes les heures, parmi lesquelles un test d’inhibition motrice. Sur écran, des chiffres apparaissent successivement. Selon le chiffre, les sujets doivent appuyer ou non sur un bouton. Privés de sommeil, ils éprouvent plus de difficultés à inhiber ce mouvement, ou à l’inverse, sont somnolents et ne pressent le bouton pour aucun chiffre. Lors de la prise d’IRMf, ils passent aussi une série de tests qui permettent de quantifier l’état de leur vigilance et de leur mémoire de travail. Par exemple, on leur présente sur un écran un minuteur coincé sur zéro. Dès qu’il se met en marche, les millisecondes défilent et les sujets doivent l’arrêter le plus rapidement possible. Lors d’un autre test, auditif cette fois, ils entendent une séquence de lettres et doivent ensuite nous donner des informations dessus. Une lettre est-elle la même que celle entendue trois items auparavant ? Etc. » Ces séances s’étirent sur une dizaine de minutes et demandent une attention soutenue des sujets. Maintenir un tel niveau de vigilance se révèle difficile pour une personne éveillée depuis plus de 40 heures. Mais ce sont justement ces évolutions qui contribuent à quantifier les effets du cycle circadien et de la privation de sommeil. 

Sécrétion de mélatonine et privation de sommeil

Les données récoltées pouvaient alors être replacées sur une échelle de temps. La qualité d’exécution des différentes tâches révélait des patterns similaires, qui n’avaient rien de monotonique. « Au cours de la journée, les performances restaient relativement stables, mais finissaient par baisser sous l’effet de la privation de sommeil. On observait alors une augmentation  brutale du temps de réaction après 22 heures, heure qui correspond au moment où le corps se met à sécréter de la mélatonine. » 

FIG 2 Maquet Science

Le graphique de gauche illustre l’évolution des performances relatives à la tâche mesurant le temps de réaction. La courbe grise correspond au cycle de sécrétion de la mélatonine. Les heures sont exprimées en terme circadien (en bas sur l’axe des abscisses), en vis-à-vis des heures leur correspondant sur l’horloge (en haut sur l’axe des abscisses). Le temps 0, correspondant à 22h, indique le début de la sécrétion de mélatonine. Le graphique de droite illustre la somnolence subjective. Les sujets devaient évaluer leur propre vigilance sur une échelle de zéro à neuf. Zéro signifiant une vigilance parfaite et neuf, l’état de somnolence le plus important. L’évolution des deux courbes suit la sécrétion de mélatonine et redescend légèrement en fin de première nuit pour atteindre un palier stable jusqu’au crépuscule de la seconde journée. 

Au cours de la nuit, la performance diminue jusqu’au petit matin avant de s’améliorer, malgré la poursuite de la privation de sommeil. « Les performances ne sont pas aussi bonnes qu’au premier jour, ce qui est normal, commente le chercheur. Elles sont influencées par la privation de sommeil. Mais elles ne périclitent pas pour autant de manière linéaire. Au moment où la mélatonine est à nouveau inhibée, les individus recouvrent une partie de leurs facultés pour la journée, avant d’atteindre un nouveau pic encore plus important en cours de seconde soirée. Ces données révèlent assez distinctement une addition d’incidences liées au rythme circadien d’une part, et à la privation de sommeil d’autre part. » 

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