Le langage humain, fruit de l'évolution ?
Pour certains chercheurs, qui tendent à le circonscrire erronément à la parole, le langage serait une propriété purement humaine. Dans un essai paru récemment aux Presses Universitaires de Liège, le professeur Jean Adolphe Rondal développe de façon convaincante l'idée inverse. Plusieurs ingrédients majeurs du langage humain seraient déjà présents sous une forme élémentaire chez diverses espèces animales. Et l'évolution aurait accompli son œuvre...
Dans son essai, Jean Adolphe Rondal défend l'idée inverse, se proposant, comme il le souligne dans la préface de son livre, de fournir au lecteur une analyse de l'évolution qui a permis sur une très longue période de temps de construire la fonction langagière humaine. À la lumière des travaux scientifiques, il apparaît clairement que le langage n'est pas l'apanage de l'homme, qu'il est aussi une réalité du monde animal. Mieux encore, le professeur Rondal tire profit des recherches réalisées notamment chez les abeilles mellifiques (productrices de miel à partir du nectar des fleurs), les singes et les mammifères aquatiques pour montrer que certaines composantes du langage humain sont déjà présentes dans la nature, fût-ce parfois sous une forme rudimentaire. Pour lui, il n'y a pas de rupture de continuité entre le langage dont sont dotées, à des degrés divers, les espèces animales et le langage humain. La différence ne serait donc pas qualitative, mais quantitative. En parcourant la phylogenèse, l'évolution langagière (car ce serait bien d'évolution qu'il faut parler) s'inscrirait sur un continuum. « On est autorisé à concevoir (…) le langage humain moderne comme résultant de l'optimisation d'habiletés préfigurées parmi les espèces animales et chez nos précurseurs au sein du genre Homo », écrit le psychologue de l'ULg. Au-delà des motsÀ côté de nombreux travaux dédiés à des questions très spécifiques, peu de recherches de caractère général ont été consacrées à l'origine du langage humain. Selon le philosophe italien Francesco Ferretti, de l'Université de Rome, cette relative pauvreté de la littérature serait une conséquence lointaine de la décision prise en 1866 par la Société linguistique de Paris d'interdire la présentation de rapports relatifs à la question de l'origine du langage. En effet, au grand dam de l'institution, l'absence de données fiables sur le sujet avait servi de terreau à une floraison de considérations éminemment spéculatives, voire farfelues. Est-ce là réellement la source première d'une forme d'« abstinence scientifique » qui aurait perduré jusqu'à nos jours ? Peut-être... « On a le sentiment que les chercheurs ont peur de s'aventurer trop avant dans ce domaine, rapporte Jean Adolphe Rondal. Et quand ils franchissent le pas, c'est le plus souvent pour conclure que le langage humain reste un mystère insondable. » Pour notre interlocuteur, travailler sur l'origine du langage humain nécessite à la fois des connaissances approfondies en psychologie, afin de pouvoir interpréter les expérimentations animales, et en linguistique. Or, la plupart des chercheurs ambitionnant d'explorer ce domaine ne gravitent que dans une de ces sphères de compétence. Ainsi, dans son livre Aux origines du langage humain. Le point de vue évolutionniste, sorti en 2015 chez L'Harmattan, Francesco Ferretti ne cite d'autres travaux d'expérimentation animale que ceux entrepris à la fin des années 1960 par les époux Allen et Beatrice Gardner, psychologues à l'Université du Nevada, à Reno, avec un chimpanzé femelle baptisé Washoe. |
|
|||||||||||||||||||||
|
© 2007 ULi�ge
|
||