Patients cancéreux âgés : le poids d'une double stigmatisation
Il est commun de nourrir des stéréotypes négatifs à l'égard du vieillissement et de la maladie. Dans une thèse de doctorat(1) défendue récemment, Sarah Schroyen, du Service de psychologie de la sénescence de l'Université de Liège, souligne, à travers l'attitude du personnel soignant et les plaintes des malades eux-mêmes, les conséquences de la double stigmatisation dont sont victimes les patients âgés souffrant d'un cancer. L'âge et la maladie font l'objet de stéréotypes tenaces, intériorisés par chacun d'entre nous. Dans sa thèse de doctorat (avril 2016) intitulée Conséquences de la double stigmatisation pour des patients âgés souffrant d'un cancer, Sarah Schroyen, chercheuse FNRS (FRESH) au sein du Service de psychologie de la sénescence de l'Université de Liège (ULg), rappelle la définition que donnait de l'âgisme le médecin, gérontologue et psychiatre américain Robert Butler, décédé en 2010 : il reflète une révulsion pour la vieillesse, la maladie et le handicap ; une peur de l'impuissance, de l'inutilité et de la mort. Dans leur « théorie de la gestion de la terreur », émise en 2002, Jeff Greenberg, Jeff Schimel et Andy Martens considèrent que tout individu tend à se distancier de ce qui peut évoquer sa propre mortalité. « Selon cette approche, nous éviterions de côtoyer les personnes âgées car elles nous rappelleraient que la mort est inévitable, que notre corps n'est pas invulnérable et que les barrières que nous dressons afin de gérer notre anxiété de la mort sont transitoires », indique Sarah Schroyen. En d'autres termes, nous fuyons notre propre image potentielle. Pathologie grave, souvent associée à l'idée de la mort, le cancer est, lui aussi, au centre d'importants stéréotypes. À telle enseigne que certaines personnes le perçoivent encore aujourd'hui comme une maladie contagieuse ou dont « on ne sort jamais » ou encore dont le traitement est pire que l'affection elle-même. Face à l'image (le tabou) que véhicule le cancer, la théorie de la gestion de la terreur semble trouver à nouveau un terrain d'application fertile. « Les stéréotypes sur la maladie ne sont évidemment pas sans conséquences, puisqu'ils influencent grandement les comportements, souligne Sarah Schroyen. Il est fréquent qu'après avoir annoncé à son entourage un diagnostic de cancer, le patient voie une fraction de ses proches couper le contact. Les uns se disent gênés, incapables d'aborder la question, d'autres ne veulent pas voir s'agiter devant eux le spectre de la mort... » Recommandations à géométrie variableUne étude de Levy, Slade, Kunkel et Kasl a montré en 2002 que, dans le vieillissement normal, les personnes âgées ayant des stéréotypes négatifs affirmés en lien avec l'âge ont une espérance de vie inférieure de 7,5 ans par rapport à celles qui entretiennent des stéréotypes positifs dans ce domaine. Comment l'expliquer ? Probablement par une moindre envie de vivre, mais surtout par une moindre propension à s'engager dans des comportements préventifs en matière de santé - moins de visites chez le médecin, moins bonne observance des traitements médicaux, utilisation moins fréquente de la ceinture de sécurité en voiture, etc. Par ailleurs, l'Eurobaromètre, outil d'analyse de l'opinion publique instauré en 1973 par la Commission européenne, a mis en évidence à travers une de ses enquêtes que le motif de discrimination dont se plaignent le plus fréquemment les individus en Europe n'est ni la race, ni le sexe, ni le handicap, mais le fait d'avoir plus de 55 ans. L'âgisme s'avère donc très présent dans notre société, alors qu'il se révèle moins prononcé en Asie, par exemple. (1) Schroyen, Sarah, Conséquences de la double stigmatisation pour des patients âgés souffrant d'un cancer, Thèse de doctorat, Université de Liège, 2016 |
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