Le site de vulgarisation scientifique de l’Université de Liège. ULg, Université de Liège

XVIIème siècle : courage, les précurseurs !
06/04/2012

Inquisition : la torture, voire le bûcher

L’univers mental et social de l’époque reste saturé par le religieux, et les savants ne peuvent échapper à cette réalité prégnante. Il n’est donc pas inutile de rappeler, parmi d’autres paradoxes révélateurs, que Galilée a failli se faire moine et que Pascal a dénoncé un chrétien rationaliste aux autorités ecclésiastiques. Les confrontations avec le dogme sont pourtant bien réelles. L’interdiction du système de Copernic est emblématique. Quand Galilée rend publiques ses convictions coperniciennes, il y renonce devant le tribunal de l’Inquisition, lors de son procès en 1633, et doit prononcer une formule d’abjuration préparée par le Saint-Office. Mais ce procès a un retentissement considérable et contribue à inhiber des générations de savants résidant en terre catholique. Non sans raison, si l’on ose dire : le philosophe italien Giordano Bruno, également poursuivi par l’Inquisition pour ses idées coperniciennes, finit sur le bûcher, brûlé vif en 1600 après huit années de procès.

Souvent, les clivages confessionnels entravent la diffusion des pensées et la promotion des savants. Leibniz, membre de l’Académie des sciences, ne peut toucher sa pension parce que le roi de France refuse de subsidier un hérétique. Le savant allemand, qui ne veut pas abjurer de son luthérianisme, doit également renoncer à de prestigieux postes de bibliothécaire à Rome et à Paris. Newton, qui se pique de théologie mais développe des conceptions hérétiques aux yeux des autorités anglicanes, doit poursuivre en secret des investigations sur la divinité du Christ. L’opposition entre foi et raison est radicale dans les contrées catholiques. En territoire protestant, l’idée qu’il est possible d’allier la science nouvelle et le message réformé s’impose plus facilement. On en conclut un peu rapidement que la nature même du protestantisme permet la modernité. C’est tomber dans le piège que nous tendent les intellectuels protestants du XVIIIe siècle, qui font les réformateurs religieux du XVIe siècle des précurseurs des Lumières. C’est oublier que tous les protestantismes ne s’accommodent pas de la science nouvelle et que le calvinisme orthodoxe condamne Descartes et emprisonne le philosophe néerlandais Adriaan Koerbagh.

L’emmerdeur est puni

La prudence s’impose d’autant plus que les autorités civiles et ecclésiastiques installent des systèmes de contrôle de l’imprimé. La censure s’impose souvent a priori. En France, tous les livres doivent être dotés du privilège royal et porter le nom de leur auteur et de leur imprimeur. Les peines sont lourdes, particulièrement pour les imprimeurs contrevenants. Pour prévenir le danger, il faut savoir ce qui est toléré et ce qui ne l’est pas. Ce qui, sous l’Ancien Régime, n’a rien d’évident ! Mais la censure n’a pas que des inconvénients, car l’interdiction d’un livre garantit souvent son succès. Ainsi, la Critique générale du philosophe protestant Pierre Bayle, imprimé aux Provinces-Unies, est une réfutation de l’Histoire du calvinisme du jésuite Louis Maimbourg. Ce dernier multiplie, avec l’insistance d’une guêpe, les pesantes démarches pour en interdire la diffusion. L’officier de police importuné par Maimbourg décide alors de punir le fâcheux en lui rendant justice au-delà de ses espérances. Il fait annoncer, par tous les crieurs publics de Paris et par 3.000 affiches, la destruction des exemplaires de la Critique générale qui ont pu être confisqués. Dès le lendemain, tout le monde cherche à en obtenir une copie !

Pour faire pièce à la censure et aux interdits, on recourt à diverses stratégies de dissimulation. La falsification des pages de titre en est une. Les noms des auteurs ou des imprimeurs sont omis ou remplacés par des pseudonymes. Galilée-InquisitionDes livres sont antidatés afin de les faire passer pour des ouvrages inoffensifs et démodés. Et, malgré les embûches, les idées nouvelles circulent. Des livres interdits s’échangent sous le manteau ; des titres jugés impies s’achètent à l’étranger.

Au début du siècle suivant, celui des Lumières, la science moderne pourra enfin s’imposer sans entraves. Le parcours de Newton (1643-1727) donne la mesure du chemin parcouru : durant la dernière partie de sa vie, il peut enfin mener son œuvre de philosophe au grand jour. Et, s’il doit encore se cacher, c’est, désormais, pour poursuivre ses travaux consacrés à l’alchimie et à l’eschatologie, deux disciplines désuètes issues de préoccupations médiévales…

Page : précédente 1 2 3 4 5

 


© 2007 ULi�ge