Il n'y a pas de fatalité à la poursuite d’une carrière délinquante qui commencerait à l’adolescence. Etudier pourquoi certains se départissent d'un engagement où ils s'étaient laissés entraîner et s'en sortent, est donc capital. Dans son dernier ouvrage (1), Michel Born s'attache à comprendre ce qui fonctionne dans la prise en charge des jeunes adolescents délinquants.
Résilience et désistance
L'un des concepts centraux du livre de Michel Born est, comme le souligne Boris Cyrulnik dans sa préface, la "désistance" qui consiste à se départir d'un engagement où l'on s'est laissé entraîner et à s’en sortir. Le choix de ce mot révèle la philosophie de l’ouvrage basé sur un concept proche de la résilience chère à Cyrulnik : même quand il y a une tendance, il n'y a pas de fatalité. Il faut découvrir ce qui a permis à certains de s’en sortir de façon à mieux aider ceux pour qui la désistance est difficile.
Pas de fatalité donc. « Ce qui entraîne les adolescents dans la délinquance », souligne Cyrulnik, « c’est un déterminant extérieur, un phénomène de groupe dans lequel l’adolescent veut prendre sa place. Pour peu que le lien avec ses parents soit ténu, son groupe de pairs, un clan presque, l’entoure et valorise la transgression ». Cyrulnik décrit cette tendance qui oriente vers la délinquance un enfant instable, non encadré par une famille qui n’a pu énoncer l’amour et la loi : l’attachement sécurisant et l’interdit structurant. Dans ce cadre, les interventions de terrain consistent donc avant tout à tisser un lien avec le jeune plutôt que de le punir ou de l’enfermer. La création d’un lien crée un lieu de parole, donc un lieu de résilience.
L'auteur ajuste le contexte de résilience à la délinquance: "Il faut probablement distinguer une première définition, restrictive, d'une autre plus extensive. La résilience stricte consiste à ne pas développer de trouble malgré la fréquence de nombreux facteurs de risque. La deuxième définition, celle de "rebondir après un fracas" pourrait s'appliquer dans le cas d'une personne qui a développé un syndrome criminel et qui rebondit dans la vie sur un mode socialement positif. Cette résilience secondaire se distingue de la désistance qui, elle, n'est qu'un arrêt de l'activité délinquante sans un néo-développement prosocial."
Pour Michel Born, la désistance doit être le but premier de la prise en charge des délinquants, jeunes ou adultes. C’est leur réinsertion ou parfois même leur insertion sociale qui est l’enjeu majeur des interventions psycho-sociales. Son ouvrage, à la fois théorique et concret, met en lumière les leviers psychologiques qui, dans les structures actuelles, contribuent à ce… qu'ils s'en sortent! Une étude remarquable, passionnante et accessible, s'appuyant sur l'expérience de chercheur et de clinicien de l'auteur, ainsi que sur des travaux et initiatives dans le monde entier.
(1) Pour qu'ils s'en sortent, Michel Born, préface de Boris Cyrulnik, De Boeck, coll. Comprendre, 2012.