La microassurance maladie en RDC
Dans les années 1980, la Banque mondiale lance une nouvelle stratégie de financement de la santé dans les pays d’Afrique subsaharienne. C’est la fin de la gratuité des soins financée par les Etats. Le postulat est alors le suivant : les ménages pourront faire face à ces nouvelles dépenses. L’argent collecté sera alloué à l’amélioration de la qualité des soins et la nouvelle tarification ne sera pas de nature à décourager le recours aux soins primaires. Depuis, le bilan prouve que la situation a été très mal évaluée au départ. Cela semble pourtant évident : comment une population qui ne travaille pas et qui n’a donc pas de revenus fixes à part entière, pourrait-elle assumer de telles charges ? (1) Les proportions sont à cet égard édifiantes comme le rappelle le Professeur Joseph Manzambi : « Dans les pays occidentaux comme la Belgique, c’est la majorité qui travaille qui participe à un système de santé qui va bénéficier également à ceux qui ne travaillent pas. C’est donc 90% environ de la population qui sont solidaires de ceux qui sont précarisés. Au Congo, c’est l’inverse. Seuls 10% environ de la population travaillent et devraient donc soutenir les 90% d’inactifs. » L’asymétrie ne s’arrête pas là. En effet, dans les sociétés européennes, le salariat reste le modèle dominant ce qui induit une certaine stabilité permettant de pérenniser le modèle de la protection sociale. Or, là encore, rien de tel en RDC puisque la majorité des actifs évolue dans le secteur informel. Les emplois fixes sont surtout constitués dans le cadre de la fonction publique où le salaire mensuel de base est la plupart du temps inférieur à 100 USD. Rien d’étonnant par conséquent au fait que « 82% de la population déclarent ne pas être en mesure de prendre en charge leurs soins de santé et qu’en parallèle on ait noté une baisse du taux d’utilisation des services de santé tombé à 15% en 2006 ». Ce dernier constat témoigne d’une part des difficultés matérielles rencontrées par les patients, et d’autre part de l’insuffisance de l’offre de soins proposée. En effet, comme le souligne le Pr. Manzambi dans son étude, le gouvernement congolais s’est lancé dans une politique très ambitieuse consistant à ériger des méga-hôpitaux à Kinshasa dont les coûts de fonctionnement seraient proches des deux millions de dollars mensuels. Un chiffre astronomique au regard de la situation sur le terrain et qui ne manque pas de soulever un certain nombre de critiques : « A ce jour, le fonctionnement de ces méga-structures n’est pas amorti. Quand un malade se rend à l’hôpital, il ne s’attend pas à être accueilli forcément dans un très grand bâtiment. Par contre, il doit avoir les moyens de se faire soigner.Donc construire des mégas-hôpitaux que les gens ne fréquenteront pas soit par manque de moyens, soit parce que les soins prodigués ne seront pas de qualité est un non-sens. De plus, si les médecins sont trop nombreux dans ces mégas-structures, cela implique également qu’ailleurs il y aura pénurie. Kinshasa est une grande ville. Nous avons besoin de grands hôpitaux mais pour qu’ils fonctionnent correctement, ils doivent être financés suffisamment. » Or, dans les pays pauvres, les taux de financement des hôpitaux sont très faibles. Il faut donc que les ménages aient un pouvoir d’achat assez élevé pour compenser la faiblesse des investissements publics. Les critiques évoquées plus haut et soulevées également en 2012 lors de la soumission de l’article intitulé « Le couplage microcrédit/microassurance santé/offre de soins peut améliorer l’accessibilité aux soins de santé en milieu urbain africain. Résultats d’une expérience menée dans la zone de santé de Bandalungwaà Kinshasa, Congo », par le Pr. Manzambi kuwekita J et al., 2015, in Santé et Médecine Tropicales 25 (4), Octobre-Novembre-Décembre 2015, p38-385, se confirment et donnent raison au Pr. Manzambi Kuwekita J : depuis fin juin 2016, le méga hôpital du Centenaire, inauguré il y a moins de deux ans, pourrait tomber en faillite si rien n’est fait car tant le personnel médical, paramédical qu’administratif, vient de déclencher une grève générale et réclament un meilleur statut et des droits sociaux que personnes ne peut leur accorder. Bien que l’hôpital soit public, il fonctionne dans un régime de partenariat « public-privé ». Pour financer son fonctionnement, le partenaire privé indien a préféré contracter avec le personnel en passant par des agences de placement, alors « employeurs » de ce personnel. Cela évite ainsi à l’investisseur indien d’endosser la lourde charge fiscale et contraintes tant légales que réglementaires en matière de code du travail. Sauf que cette situation place le personnel de l’hôpital dans un état de précarité qui met le patient en danger… (1) En 2009, selon les propres chiffres du Ministère de la Santé Publique congolais, la part des ménages dans le financement de la santé s’élevait à 43%, loin devant le gouvernement central (13%) et les ONG internationales (11 à 13%). Voir « L’étude des conditions de vie et d’accessibilité aux soins de santé de qualité des populations en situation de précarité, dans la zone de santé de Bandalungwa à Kinshasa (Congo) », par le Pr. Manzambi Kuwekita J, et al., 2008, in Journal d’Epidémiologie et de Santé Publique, JESP N°12, décembre 2013 |
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