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04/08/2016

Chrysomele forces diagramme
Le schéma des forces présenté ci-dessus permet aussi de résoudre un autre problème : on voit bien que le liquide ne se trouve pas sur tout le coussinet mais dans une petite poche, tandis qu’une part du contact est pratiquement sèche. Jusqu’à présent, les scientifiques n’arrivaient pas à concilier le fait qu’il y ait un ménisque liquide et qu’on puisse observer des forces de frottements. Le modèle conçu par les chercheurs liégeois montre qu’en fait les deux types de forces coexistent. L’insecte a développé une formule optimale car les forces d’adhésion dues à la capillarité et le liquide lui permettent de s’adapter bien mieux aux rugosités des surfaces que s’il n’avait à sa disposition que les seules forces de friction solide-solide. « Le gecko a aussi des structures fibrillaires, sous forme de poils, explique Tristan Gilet. Mais il y a une différence fondamentale occultée derrière tout le sensationnalisme qui entoure les recherches faites sur lui : les structures du gecko sont hiérarchisées, les plus petites ne dépassant pas le nanomètre. Le gecko a besoin d’avoir certaines de ses structures aussi petites pour que ses nanopoils viennent se mettre en contact très proche avec la moindre aspérité de la surface. Le fait de ne pas avoir de liquide pour « boucher les trous » l’a obligé à développer des structures extrêmement fines. L’insecte, au contraire, a une stratégie bien plus prometteuse pour la réplication par les ingénieurs car construire des structures hiérarchiques telles celles du gecko est compliqué et elles sont fragiles. »

Bio-inspiration

Car tel est bien le but de ces recherches au-delà de la compréhension du phénomène : concevoir un mécanisme qui peut s’accrocher fortement et se détacher de manière très rapide (l’insecte fait des dizaines de pas par seconde et peut soutenir jusqu’à dix fois son poids !). L’idée est de pouvoir utiliser cela en robotique, en micromanipulation car les plus petits composants électroniques fabriqués font 200-400 microns, non pas tant parce qu’on ne sait pas fabriquer plus petit, que parce qu’on ne sait pas manipuler plus petit. L’insecte, lui, est capable d’attacher une structure de 5 microns (son poil) puis la détacher. Ce qui lui permet de faire ça, c’est notamment la présence de liquide et des mouvements précis que les chercheurs aimeraient pouvoir reproduire avec un outil bio-inspiré. 

C’est dans cette voie que vont se poursuivre les recherches au sein du laboratoire liégeois. Un projet soutenu par le FNRS vise à étudier comment le liquide est secrété et acheminé vers les poils et comment il est géré par l’animal. En effet, comme il en perd à chaque dépôt, il faut qu’il le renouvelle. Mais comme ça lui coûte cher en énergie, il a intérêt à être économe. Les chercheurs suspectent donc la belle chrysomèle de l’oseille d’avoir développé des mouvements qui favorisent cette économie d’énergie, d’avoir des manières spécifiques de bouger pour ne pas perdre trop de liquide !

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