Le poids de ce consensus « social-libéral » donne l’impression que c’est lui qui constitue l’armature principale de l’identité wallonne en termes de contenu : une société de tolérance et de solidarité. Ce n’est bien sûr qu’une hypothèse, admet Marc Jacquemain, mais elle est confortée par un élément important, emprunté à l’observation du champ politique : c’est la difficulté d’enracinement d’une offre politique radicale, qu’elle soit d’extrême-gauche ou d’extrême-droite. Cette réalité électorale est cohérente avec la parole publique : en Wallonie, les grands acteurs du modèle social « à la belge » sont très peu portés sur la radicalité du discours : d’aucun côté, patronal, syndical ou politique, on n’entend une récusation fondamentale des principes de la concertation sociale.

S’il y a, au cœur de l’identité wallonne, une certaine forme de consensus socio-politique et culturel, on peut cependant s’attendre à ce que cette identité soit « mise sous tension » dans les années qui viennent, avertit Marc Jacquemain, et ce pour deux raisons au moins.

La première est que ce type de consensus « social-libéral » isole assez la Belgique, souvent considérée comme « trop sociale » dans les milieux européens, et que la conjoncture tant globale (les suites de la crise financière, la crise de la dette et de l’euro) que locale (la négociation avec la Flandre) exercent une pression en faveur d’un Etat « moins social ». Ainsi, une compétition fiscale avec la Flandre dans un Etat « confédéralisé » risquerait de fragiliser encore davantage le maintien du modèle social en Wallonie. Si cela devait s’avérer, il n’est pas exclu de voir se manifester chez nous un niveau de conflictualité sociale plus proche de celui de nos voisins.

La deuxième, c’est qu’il existe un domaine où le consensus fait défaut : la question de l’immigration divise l’opinion wallonne, comme semblent l’indiquer  les réponses obtenues à ce sujet dans le cadre de l’enquête réalisée en 2004.

 
Certes, les chiffres présentés ci-dessus ne sont pas en contradiction radicale avec la logique de « tolérance et solidarité » déjà évoquée. Mais ils montrent que l’opinion est davantage fracturée sur cette question. Il n’est donc pas exclu que cette fracture de l’opinion vienne aussi mettre sous tension, à l’avenir, le consensus wallon.