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L’identité wallonne ? Solidaire et tolérante
16/03/2012

Sentiment wallon, flamand : des bases différentes

Historiquement, le sentiment flamand et le sentiment wallon se sont construits sur des bases profondément différentes. En Flandre, une véritable ébauche de sentiment national s’est construite contre la domination d’une élite vécue à tous points comme étrangère : une élite économique « belgicaine » et parlant français, étrangère à la culture flamande et au vécu quotidien des Flamands, lourdement marqué par l’Eglise. Au sud du pays, le sentiment wallon ne s’est pas forgé comme une réaction « nationalitaire » à une domination étrangère, mais plutôt comme une réaction sociale à une domination économique endogène. On peut donc comprendre qu’à l’inverse de la Flandre, il ne se soit pas construit un fort sentiment « anti-belgicain » au sud du pays, la Belgique n’étant pas ressentie comme une domination étrangère.

Le fait que l’Etat belge conserve non seulement toutes les fonctions régaliennes et les aspects symboliques de la nation, mais aussi cet énorme pan de la vie collective qu’est la sécurité sociale, convient bien aux Wallons alors qu’il agace profondément nombre de Flamands. Ces derniers se sentent doublement floués : longtemps dominés à la fois culturellement et économiquement, ils commencent à trouver très lourd le poids de la Belgique, qui les empêche de développer leur symbolique nationalitaire, mais, en plus, leur fait supporter le poids de la solidarité avec une région devenue plus fragile depuis une cinquantaine d’années. Les Wallons, en revanche, ne trouvent pas illégitime que le flux de la solidarité, après avoir bénéficié à la Flandre du XIXème siècle à la Seconde Guerre mondiale, puisse fonctionner dans l’autre sens après la crise structurelle provoquée par le déclin de leur industrie.

Coq Waterloo

Un consensus « social-libéral »

Une chose est d’évoquer les sentiments d’appartenance, une autre est de connaître les représentations, les « contenus représentationnels » auxquels ils sont associés. A cet égard, on dispose d’un échantillon important sur les valeurs socio-politiques des Wallons, recueilli au cours des enquêtes réalisées pendant les vingt dernières années. Sur cette base, Marc Jacquemain avance l’hypothèse –qui demanderait à être creusée- que l’identité wallonne s’exprime peut-être davantage dans les valeurs politiques que dans une vision « historique » plus ou moins réaliste ou folklorique. L’ensemble des enquêtes montre que la majorité des Wallons sont attachés à un modèle socio-économique qui allie une protection sociale forte et une dose importante de responsabilisation économique individuelle.

Ainsi, lors de l’enquête CLEO de 2004, près de 80% des personnes interrogées étaient d’accord avec l’idée que « C’est à l’Etat d’assurer un revenu décent à tous les citoyens ». Mais, en même temps, un pourcentage plus élevé encore estimait que « Les gens devraient se responsabiliser davantage pour assurer leur propre subsistance ». Les Wallons seraient-ils de gauche en matière sociale et de centre-droit en matière économique ?

Il est intéressant de noter que le soutien à l’Etat-providence est positivement corrélé avec le sentiment wallon. Il semble donc bien que ce consensus socio-économique soit une composante du sentiment identitaire. De même, les Wallons épinglent les valeurs de liberté individuelle et de tolérance en matière morale : 80% d’entre eux défendent le droit à l’avortement et 90% le droit à l’euthanasie. Le mariage homosexuel est plus controversé, mais recueille néanmoins une majorité d’approbation (56%). Enfin, la liberté d’avoir « ses propres usages et sa propre culture » ou encore la liberté « d’avoir ses propres pratiques religieuses et philosophiques » recueillent une adhésion quasi-unanime : 95% dans les deux cas.

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