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Pesticides: micro-gouttes et maxi-impacts
05/07/2016

Un outil photo ultra-performant

Dans un premier temps, le chercheur a mis au point une outil photographique à captation ultra-rapide, combiné à un éclairage LED utilisé dans une configuration dite "d’ombroscopie PDIA (particle/droplet image analysis)". L’intérêt de cette technique, par rapport à une exposition classique (directe), consiste à pouvoir visualiser les contours des objets (ici, les gouttes) afin d’étudier les déformations subies au contact de la surface. "Le défi consistait à pouvoir suivre avec suffisamment de précision la phase d'étalement des gouttes sur une surface très hydrophobe, sachant que cet étalement dure en moyenne 5 millisecondes et que le diamètre de certaines gouttes ne dépasse pas 50 microns. Afin d’éviter les problèmes de « flou » dus à la vitesse relativement élevée des gouttes, il fallait minimiser le temps d’exposition, ce qui réduit la quantité de lumière capturée la caméra. L’utilisation d’un éclairage LED pulsé était donc requis". 

Banc pulverisation

Finalement, grâce à l'utilisation d'une source lumineuse ultra-puissante, le banc de pulvérisation mis au point à l'Unité Agriculture de précision (Département d'Ingénierie des biosystèmes) de Gembloux a permis de photographier les gouttes à quelque10.000 à 20.000 images par seconde. Si de tels appareillages ne sont qu'exceptionnellement utilisés à l'heure actuelle dans la recherche en agronomie, la véritable originalité du travail de Mathieu Massinon consiste à avoir pu extraire l'information pertinente de ces images et à avoir pu l'interpréter.

La deuxième étape a consisté à photographier, en laboratoire, une multiplicité de combinaisons de paramètres relatifs à la pulvérisation: taille des gouttes, vitesse d'éjection (à la sortie de la buse), vitesse d'impact (juste avant l'impact), tension de surface, etc. "Pour cette phase, qui fait vraiment la singularité de mon travail, j'ai pu simuler l'essentiel des buses de pulvérisation disponibles dans le commerce et, en fonction des modifications de paramètres introduites, étudier en détail le comportement des gouttes à l'impact: depuis l'adhésion directe avec faible énergie d'impact jusqu'à la fragmentation avec haute énergie déployée en passant par les phénomènes de rebond avec énergie intermédiaire. Pour refléter au mieux les conditions d'application réelle, j'ai utilisé une surface hydrophobe artificielle dotée d'une mouillabilité très proche de celle d'une feuille de froment. Au total, le banc d'essai mis au point s'est avéré un outil très performant. Il m'a permis de dresser des cartographies d'impacts en fonction de tous les paramètres considérés, de mesurer l'amplitude de la variabilité des types d'impact et, de là, la grande variabilité des niveaux de rétention".

La troisième étape à consisté à extrapoler les données récoltées, jusqu'ici limitées à l'échelle de la goutte et de la feuille, à l'échelle de la plante toute entière. "Comprendre et systématiser le comportement des gouttes à une micro-échelle est une chose. Tenir compte de l'architecture de la plante toute entière en est une autre... La rétention du produit peut en effet varier, par exemple, en fonction de l'orientation des feuilles et de la densité de la canopée. J'ai donc créé un modèle capable de prévoir la quantité de produit retenue à l'échelle du végétal. Pour ce faire, tirant parti de la technologie 3D, j'ai reconstitué virtuellement un orge au stade "deux feuilles", dont j'ai testé la rétention en fonction d'une modulation des divers paramètres en cause, par exemple la granulométrie des gouttes, la taille de la plante ou les propriétés physico-chimiques de la formulation (essentiellement la tension de surface). Après simulations numériques, j'ai abouti à l'élaboration de divers scénarii de pulvérisation. Ils permettront, avant même le stade des essais de terrain, d'éliminer les combinaisons les moins efficaces lors de la mise au point des nouveaux produits, qu'ils soient conventionnels ou de type bio-pesticides". Soit un grain de temps, d'argent et d'énergie, sans compter l'impact environnemental positif.

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