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Pesticides: micro-gouttes et maxi-impacts
05/07/2016

Une question de contexte

En réalité, ce problème n'en est pas forcément un. Car tout dépend de la culture visée et, surtout, de l'état de croissance du végétal visé. Le phénomène de fragmentation des gouttes peut, en effet, constituer un facteur favorable à l'efficacité du produit si la culture est constituée de plants déjà bien développés. Dans ce cas, c'est toute la "canopée" qui est atteinte par les micro-gouttes, ce qui renforce l'efficacité potentielle du produit. Ce n'est que si la végétation est encore réduite, limitée à l'état de plantules à peine émergentes, que la fragmentation est réellement problématique. Par exemple lorsqu'il s'agit de désherber.

On mesure encore mieux la complexité du phénomène si l'on tient compte du fait que le caractère hydrophobe de la surface de certains végétaux - c'est le cas de nombreuses "mauvaises herbes" (les adventices) comme les vulpins - empêche les gouttes d'y adhérer correctement. Au lieu de s'étaler à la surface du végétal, les gouttes rebondissent sur celui-ci au détriment de l'efficacité du produit. La densité des poils présents sur la surface foliaire peut également contribuer à maintenir les gouttes intactes. Pour favoriser leur étalement sur le végétal, des agents tensio-actifs sont fréquemment ajoutés aux matières actives par les fabricants. D'autres types d'adjuvants peuvent également être utilisés pour - par exemple - augmenter la viscosité des gouttes, celles-ci perdant alors une partie de leur énergie par un effet d'"amortissement". Encore faut-il que ces adjuvants soient ajoutés d'une manière suffisamment fine pour ne pas être contre-productifs en raison, par exemple, de la vitesse d'impact des gouttes qui, elle-même, dépend de la buse et de la pression de pulvérisation utilisée par l'agriculteur... 

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Au-delà de la boîte noire

Bref, on le voit: avant-même que la matière active soit absorbée par la plante pour y développer ses effets létaux, il faut veiller à ce que la rétention des gouttes à la surface des feuilles soit maximale. Sans rétention préalable, pas d'efficacité du produit phytosanitaire! C'est ici qu'interviennent les travaux de Mathieu Massinon, auteur d'une thèse à Gembloux Agro-Bio Tech intitulée "Approche multi-échelles de la rétention des produits phytosanitaires sur plantes superhydrophobes", réalisée sous la direction du professeur Frédéric Lebeau (Unité d’agriculture de précision) et défendue avec succès en février dernier. "Qu'ils soient inhérents à la physique des gouttes ou modulés par les adjuvants utilisés, les paramètres intervenant dans la rétention des produits phytosanitaires à la surface des plantes sont nombreux et complexes, explique le jeune chercheur (Lire à ce propos D'une feuille à l'autre) . Les agronomes qui, sur le terrain, évaluent l'efficacité des produits phytos ne peuvent pas tout comprendre. Ils sont confrontés à une sorte de boîte noire à l'intérieur de laquelle on ne peut pas exclure l'intervention de phénomènes antagonistes, ne fût-ce qu'en raison de la variabilité des conditions climatiques. Avec cette thèse, j'ai fait le pari qu'il est possible d'aller au-delà d'observations certes indispensables, mais encore trop empiriques. Comment maîtriser d'une façon optimale des phénomènes aussi complexes que l'étalement ou la fragmentation? Si on parvient à tendre vers cet objectif, on peut non seulement diminuer la quantité de produit utilisée au champ, mais également réduire la dissémination de matières actives en pure perte dans l'environnement. Par ailleurs, utiliser la dose la plus fine possible en fonction des divers paramètres revient à limiter le phénomène de résistance des adventices à certaines matières actives qui, dans certaines régions, prend des proportions vraiment préoccupantes".

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