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Pesticides: micro-gouttes et maxi-impacts
05/07/2016

Pour améliorer son image, l'agriculture conventionnelle met un point d'honneur à réduire le plus possible la quantité de pesticides utilisés dans les cultures. Pour y arriver, encore faut-il comprendre en détail - et maîtriser - ce qui se passe dans l'intimité du contact entre les micro-gouttes du produit pulvérisé et la surface du végétal ciblé. C'est à ce travail que s'est attelé Mathieu Massinon, auteur d'une thèse sur la rétention des produits phytosanitaires sur les plantes dites "superhydrophobes".   

Aux yeux du néophyte, la pulvérisation d'une culture à des fins de protection contre les parasites (insectes, champignons, bactéries, plantes adventices....) relève finalement d'une certaine simplicité. Il suffirait à l'agriculteur de remplir le pulvérisateur de son tracteur avec la quantité adéquate de la matière active concernée (mélangée avec de l'eau selon le ratio recommandé par le fabricant) et d'épandre la "bouillie" ainsi obtenue sur la parcelle visée, avec la meilleure buse de pulvérisation possible. A condition de veiller aux conditions météorologiques (le grand soleil et le grand vent sont évidemment à proscrire si l'on veut minimiser l'évaporation du produit et la dérive des gouttes), la route serait ainsi ouverte à l'utilisation aisée du produit par le cultivateur.  

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Une telle vision pèche par simplisme. Elle passe en effet sous silence la mécanique complexe des phénomènes physico-chimiques à l’œuvre dans ce genre d'opération. Or, bien que la physique des gouttes fasse l'objet de nombreuses études depuis près d'un quart de siècle, il reste encore bien des choses à comprendre et à améliorer dès lors qu'on veut l'appliquer au domaine de la protection des cultures. Cette investigation est d'autant plus nécessaire dans le contexte actuel: les pesticides ont mauvaise presse auprès du grand public et font l'objet de procédures de mise sur le marché de plus en plus strictes, destinées à éviter les effets collatéraux en termes de santé publique et d'environnement. 

Par "mécanique complexe" des gouttes, il faut entendre que la rétention du produit phytosanitaire par la plante (et, de là, son efficacité finale) ne varie pas seulement en fonction du vent ni de la température ambiante au moment de la pulvérisation. Si l'on peut aisément comprendre que le liquide utilisé atteint le végétal sous la forme de millions de gouttes pulvérisées, on ignore généralement que le diamètre de celles-ci, selon le type de buse employée et la pression mise en œuvre, peut descendre jusqu'à une vingtaine de microns. Le conseil donné aux agriculteurs, à l'heure actuelle, consiste plutôt à privilégier des buses plus grossières. Celles-ci pulvérisent en effet des gouttes d'une taille relativement imposante (jusqu'à 1 millimètre), moins sensibles à la dispersion par le vent. C'est ignorer, toutefois, que ces "grosses" gouttes contiennent une énergie plus importante au moment de l'impact avec le végétal. Elles peuvent donc être victimes d'un phénomène de fragmentation ou d'éclaboussure ("splashing") qui voit la goutte initiale se subdiviser en plusieurs gouttes d'une taille plus réduite, qui courent le risque d'atterrir... sur le sol. Ce qui, lorsqu'il s'agit d'un produit phytosanitaire dit "de contact", censé agir via le contact produit/plante, revient quasiment à... travailler pour rien. Sinon à répandre sur le sol une matière active qui risque d'être lessivée par les précipitations...

SEM Froment

(1) Massinon Mathieur, Multiscale approach of spray retention on superhydrophobic plant surfaces, Thèse de doctorat, 2016

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