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Une note salée pour le gaz de schiste
18/05/2016

Cerner les Etats-Unis

L’enregistrement par les instruments du Jungfraujoch était donc une première étape. « La seconde était de contacter certains de nos collègues du réseau NDACC (Network for the Detection of Atmospheric Composition Change), qui travaillent sur le continent américain. Nous leur avons signalé la détection de cette inversion de tendance, et leur avons demandé d’analyser leurs données pour voir ce qui en ressortait. Au final, les stations de Toronto au Canada, du Grand Nord, du Groenland, du Colorado et d’Hawaii nous ont envoyé leurs séries. » Les stations du nord et de Hawaii, déjà plus reculées par rapport aux puits de forage, devaient permettre de donner un niveau de fond, un aperçu de l’état moyen de l’atmosphère au-dessus de l’hémisphère nord. Par contre, celles du Colorado et de Toronto se trouvent à proximité de nombreuses zones de forage, et on y observait une plus grande concentration d’éthane.  

extraction Schiste USA

Des émissions revues à la hausse

De par le monde, des études visent à estimer et à inventorier les émissions des constituants néfastes de l’atmosphère. Des données libres d’accès. L’un des inventaires les plus reconnus est le HTAP2, qui combine les résultats de toutes les régions du globe. Autant d’informations qu’il est possible d’intégrer et d’utiliser dans des modèles atmosphériques. « Dans le cadre de notre recherche, Louisa Emmons, du NCAR au Colorado, a intégré ces données dans un modèle pour les comparer à nos mesures. Elle a remarqué que les estimations d’émission d’éthane, dans ces inventaires, étaient bien trop basses, et ce même pour la décennie précédant 2009. Ce qui signifie que ces inventaires sous-estiment les émissions de gaz et donc la dégradation de l’air. Pour obtenir un résultat fidèle à l’émission moyenne des années 2000, il fallait multiplier ces estimations par deux.  

Mais ce n’était pas tout. La chercheuse a ensuite proposé comme hypothèse supplémentaire qu’on pouvait attribuer la responsabilité de l’augmentation récente de l’éthane uniquement aux Etats-Unis. Guidée par cette intuition, elle a donc simulé dans le modèle cette augmentation d’éthane en contraignant cette part d’émission supplémentaire au seul continent nord-américain. « Au-delà de la multiplication initiale, il fallait encore augmenter les émissions annuelles de 75% afin de modéliser la croissance observée entre 2009 et 2014. » En des termes plus concrets, dans l’inventaire, l’émission d’éthane en Amérique du nord était estimée avant 2009 à 0,8 million de tonnes par an, alors qu’elle s’élevait en réalité à 1,6 million de tonnes. Mais en 2014, les émissions ont atteint le chiffre affolant de 2,8 millions de tonnes. « Le résultat était assez univoque, relate Emmanuel Mahieu. Elle parvenait bel et bien à reproduire les tendances que nous avions observées. Ce qui contribuait à davantage épingler l’exploitation du gaz de schiste comme véritable cause du problème. »

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