Voyage au bout de l'extrême droite
Et pourtant, ceux qui s'adonnent si volontiers à ce genre d'expressions ne naviguent pas nécessairement dans les eaux troubles d'une extrême droite pure et dure. Ils bourlinguent plutôt « dans une zone grise qui semble parfois compatible avec le jeu démocratique même si les idées, les hommes et les femmes, les angoisses, les peurs, les projets et les alliances qu'elle regroupe rappellent les partis d'extrême droite », reconnaît Jérôme Jamin. Qui ajoute : « Une zone grise qui rassemble aussi des mouvements, des blogs, des réseaux sociaux qui rejettent toute initiative politique et électorale au profit d'une bataille pour les idées à l'instar de [...] la vaste blogosphère islamophobe qui a inspiré, notamment, Anders Breivik [auteur du massacre de septante-sept personnes le 22 juillet 2011 en Norvège]. Une zone grise où l'on trouve des partis politiques habiles, capables de redéfinir la lutte contre l'immigration dans le cadre d'un discours à prétention laïque, républicaine, démocratique, hostile aux religions. » Cela expliquerait ce renversement au premier abord surprenant : la mise en sourdine d'un antisémitisme atavique pour mieux se concentrer sur un rejet des immigrés issus du Maghreb, d'Afrique subsaharienne et des régions où sévit la guerre (Syrie, Irak, Afghanistan, etc.), l'État d'Israël étant vu de surcroît comme un rempart contre les « hordes » arabes. Pire, ou mieux selon le point de vue : on vole au secours de l'homosexuel par haine du musulman, qui serait « machiste » de nature... Des obsessions communesCes formations, avec les Démocrates suédois entre autres, sont des partis « possédant le plus solide fonds idéologique commun », au dire de Jean-Yves Camus. Ce spécialiste des droites nationalistes et radicales en Europe ajoute, dans une de ses deux contributions de l'ouvrage : « La très vaste littérature scientifique existante privilégie pour la définir [cette sous-famille de l' "extrême droite"] les trois critères du nationalisme, de l'ethnocentrisme et du positionnement anti-système. Sa capacité à attirer les "perdants de la globalisation" a été mise en avant. On ne saurait oublier sa dimension post-moderne, correspondant à une société atomisée, consumériste, et où les utopies mobilisatrices, qu'elles soient politiques ou religieuses, ont disparu. Cela laisse d'autant plus d'espace pour les bricolages identitaires que, tout en se réclamant de l'idéal européen, les droites conservatrices et libérales n'ont toujours pas clairement donné de définition cohérente de l'homme européen, son identité et sa culture. » On le voit, les composantes de ce que l'on nomme un peu hâtivement « extrême droite » sont nombreuses : il serait néanmoins hors de propos de les considérer comme peu pertinentes, voire politiquement négligeables. Page : précédente 1 2 3 suivante
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