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La carte d'une super-Terre
23/05/2016

Vue artiste 55CANCRIeHuit observations de 9 heures réparties sur un mois ont permis d’enregistrer ces variations d'émission, et de vérifier qu’elles se répétaient conformément aux phases orbitales de la planète. Les astrophysiciens ont pu alors rassembler les données et établir la carte longitudinale des émissions thermiques de la planète. Elle révèle un gradient de température énorme entre les côtés jour et nuit :  le côté jour a une température s’élevant à 2700 Kelvin, pour moins de 1300 du côté nuit. « Un tel gradient thermique traduit une circulation inefficace de la chaleur qui correspond bien à une planète rocheuse dépourvue d’atmosphère. En effet, c'est essentiellement l'atmosphère qui distribue la chaleur à la surface d'une planète, via les phénomènes dynamiques (vents) dont elle est le théâtre. Sans atmosphère, le gradient thermique entres les côtés jour et nuit va rester très important. » Oui, mais !

Le paradoxe du point chaud

En théorie, sans atmosphère, l’endroit le plus chaud de la planète devrait être le point le plus proche de l’étoile (le point substellaire). Donc, sur le graphique présentant les variations lumineuses de la planète (voir la figure plus haut), le pic de brillance devrait se trouver au plus près de la phase d’, vu que ce sont les moments où le télescope capte la plus grande partie du côté jour. Pourtant, la courbe de brillance révèle un pic décalé, se produisant significativement avant l'occultation. « Le point le plus chaud de la planète ne se trouve donc pas exactement sous l’étoile, observe Michaël Gillon, mais en est décalé d'une trentaine de degré vers l'est. Cette observation serait facile à comprendre en présence d’une atmosphère, qui, grâce à des vents forts soufflant vers l'est, permettrait un transfert de chaleur conduisant à un décalage du point chaud par rapport au point substellaire. Mais dans le cas de 55 Cancri e, cette observation est difficile à réconcilier avec le gradient thermique important entre les deux hémisphères. » 

Une hypothèse à vérifier tend à éluder ce paradoxe. Pour rappel, la grande proximité de la planète à son étoile jumelée à la présence d’autres planètes dans le système influence son orbite pour la rendre elliptique. Ce qui génère des effets de marée considérables. « Or, la température du côté jour dépasse le point de fusion des roches. Nous pouvons imaginer que ces roches forment des « océans » de magma. Sous l’effet des marées, il pourrait y avoir un transport « océanique », un flux de magma migrant vers l’est et entraînant un décalage entre le pic d’irradiation et le pic de chaleur. » 

Une seconde théorie envisage malgré tout la présence d’une atmosphère particulière, qui abriterait des phénomènes insolites. « Mais à ce sujet, nous sommes vraiment dans la spéculation, tempère l’astrophysicien. Une chose est certaine, une atmosphère à base d’hydrogène, comme celles que l’on observe autour des géantes gazeuses, est peu probable. L’élément est trop léger et serait soit soufflé rapidement hors du champ gravitationnel de la planète, soit attiré par le champ magnétique de l’étoile. On pourrait imaginer une atmosphère secondaire composée d’éléments plus massifs, résultant d'un dégazage constant en surface du fait de l’irradiation massive de la planète. Elle serait constamment détruite et renouvelée. Si 55 Cancri e est composée essentiellement de glace, cette atmosphère devrait être riche en oxygène et en monoxyde de carbone. Si elle est essentiellement rocheuse, ce qu’on privilégie aujourd’hui, l’atmosphère secondaire pourrait être riche en silicates et en métaux. » 

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