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Un trio de terres à 40 années-lumière ?
02/05/2016

De l’eau liquide ?

Imaginons maintenant que ces planètes franchissent effectivement cette ligne des glaces, mais qu’elles ne s’approchent pas trop près de l’étoile. La glace n’est pas exposée à des températures trop élevées qui la sublimeraient ou provoqueraient un dégazage finissant par assécher les planètes. « À bonne distance, résument les deux chercheurs, cette glace peut fondre et former des océans. Les deux premières planètes sont à la limite de la zone habitable. Elles sont trop proches de l’étoile. Mais des modèles ont montré qu’elles pourraient  abriter des zones d’habitabilité sur le limbe ouest, entre le côté jour et le côté nuit. » La chaleur, en effet, n’est pas distribuée de manière homogène sur ces planètes. La proximité de leur étoile les coince dans un état dit de rotation synchrone. Comme la Lune à la Terre, elles lui présentent toujours le même hémisphère, le côté jour, beaucoup plus aride que le côté nuit. Les vents dominants, trop chauds pour maintenir de l’eau à l’état liquide, ont tendance à souffler vers l’est, préservant une zone plus clémente et tout de même lumineuse à l’ouest. La troisième planète semble encore plus prometteuse et pourrait être totalement habitable.

Un véritable Eldorado

La découverte est donc aussi encourageante qu’inédite. Mais c’est la nature du système qui en fera l’un des objets les plus convoités des astrophysiciens dans les mois et les années à venir. « Comme le contraste entre les tailles de l’étoile et de ses planètes est particulièrement favorable  et que le système est très proche, nous allons pouvoir étudier les compositions atmosphériques de chaque planète avec une précision inégalée, explique Emmanuël Jehin. Nous espérons découvrir certains biomarqueurs, comme les molécules d’eau, de dioxyde de carbone, d’ozone  etc.. Si ces traces s’inscrivent dans des proportions proches de celles de la Terre, ce serait encore plus incroyable. On peut aussi imaginer que ces planètes, vu leur proximité à leur étoile, sont sujettes à une importante activité volcanique. Ce sera aussi une dynamique observable et qui pourrait favoriser la présence de vie. »  


Cette découverte arrive clairement au bon moment. Dans quelques mois à peine, de nouveaux télescopes performants parviendront à satisfaire les envies des astronomes. « Nous préparons déjà l'observation du système avec le fameux JWST, par exemple, qui sera lancé dans l’espace en 2018 et qui devrait nous permettre d’étudier ces planètes de façon très précise, explique Michaël Gillon. En attendant, nous avons déjà obtenu du temps sur le télescope spatial Spitzer pour contraindre la période orbitale de la troisième planète et confirmer sa position dans la zone habitable. Nous aimerions également l’utiliser pour observer l’étoile pendant une dizaine de  jours d’affilée et essayer de détecter d’éventuelles autres planètes. Nous préparons aussi un programme d’étude de la variation des instants des transits pour en sortir les masses à l’aide de nombreux télescopes au sol, mais aussi un programme sur le Hubble Space Telescope (HST) pour tenter de détecter les atmosphères de ces planètes. Dans le proche infrarouge, nous pourrions déjà discerner certains constituants moléculaires, dont l’eau. » Et ce n’est pas tout. Beaucoup de choses peuvent être apprises à propos de la magnétosphère de ces planètes, ou encore sur la caractérisation de l’étoile hôte elle-même ; sa composition, son activité, ses variations de brillance dues à son champ magnétique ou à l’hétérogénéité de sa surface, sa photosphère, qui a notamment permis de contraindre sa période de rotation à 1,4 jour contre 26 jours pour le Soleil. Les idées de recherches sont nombreuses, et toutes les demandes d’études sont pour l’instant accueillies et acceptées avec beaucoup d’enthousiasme. Il ne faudra pas attendre longtemps avant que les astronomes du monde entier se jettent sur TRAPPIST-1. Une effervescence incroyable qui réjouit les deux chercheurs, et qui promet d’accélérer rapidement l’état des connaissances de ce système, et d’autres encore à découvrir. « Comme nous avons trouvé ce système en n’observant que 50 étoiles, concluent les deux chercheurs, il y a fort à parier qu’ils peuvent être nombreux et facilement détectables. TRAPPIST-1 met au goût du jour des étoiles peu étudiées, avec leurs comportements spécifiques, leurs disques protoplanétaires particuliers, etc. C’est un tout nouveau domaine de recherche qui est en train de s’ouvrir. »

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