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De quelles couleurs sont nos villes ?
07/04/2016

Les questions d’urbanisme qui contraignent tout projet architectural ne sont pas uniquement formelles. La couleur des matériaux choisis doit également être garante d’une harmonie entre une nouvelle construction et son environnement. Le choix de ces couleurs est contraint par des réglementations parfois très strictes, qui pourtant s’appuient sur des outils laissant une grande part à l’appréciation subjective. Il semble parfois facile de juger de la dominance de couleurs pour un lieu donné, mais comment leur attribuer une tendance-type répondant à des critères quantifiés ? Luan Nguyen, un jeune ingénieur architecte de l’Université de Liège, apporte sa pierre à l’édifice et propose une méthode standardisée et objective(1) de caractérisation de la couleur dominante d’une maison, d’une rue, d’un quartier, d’une ville. Au-delà de l’assistance à la réglementation, un tel outil permet de nombreuses déclinaisons pour mieux cerner l’importance et les tendances de la couleur en milieu urbain.

Quelle est la couleur dominante des villes ? C’est la question que s’est posée Luan Nguyen, qui défendra sa thèse dans quelques mois, sous la direction de Jacques Teller, au LEMA (Local Environment Management and Analysis), département ArGEnCo de la Faculté des sciences appliquées de l’ULg. En quête de réponses, le jeune ingénieur architecte a publié les résultats d’une méthode quantifiée efficace et standardisée, qui promet une palette d’applications variées.

Après un passage aux beaux-arts orienté par l’envie de devenir illustrateur, il n’était pas anodin de voir Luan Nguyen s’intéresser à des questions liées à la couleur au cours de ses études d’ingénieur architecte. Son travail de fin d'études portait déjà sur la problématique, en se cantonnant aux constructions architecturales et sans pour autant étendre la question à une échelle urbanistique. Cette réflexion plus globale allait germer après un détour par une activité professionnelle en dehors de l’Université. A la direction d’un bureau d’architecte qu’il a lui-même fondé, Luan Nguyen a en effet été confronté à l’évidence que, contrairement à ce que dit l’adage, les goûts et les couleurs peuvent tout à fait se discuter.  

Couleurs villes

Des réglementations sur des critères subjectifs

La construction d’une habitation est régie par une série de contraintes urbanistiques qui visent à garantir une harmonie architecturale entre nouvelle construction et environnement. Cette grille de réglementation plus ou moins contraignante selon les villes et quartiers impose le plus souvent une palette de couleur, voire une seule couleur. « L’inconvénient, regrette Luan Nguyen, c’est l’indécision liée à la caractérisation de cette couleur. Quand, avant d’entamer un nouveau chantier, on doit choisir une brique, on nous impose une teinte rouge brun ou gris clair. Les termes restent assez vagues, littéraires, et sujets à l’appréciation de chacun. Quand on se rend avec notre échantillon devant l’agent communal, il peut très bien estimer que notre brique tend vers le brun, alors qu’elle était rouge à nos yeux. » D’autant plus que la couleur d’une brique ne rendra pas de la même manière en intérieur (éclairage artificiel de la maison communale) qu’en extérieur, et même, variera encore selon les évolutions naturelles de la lumière diurne. Et enfin, juger de l’adéquation de la couleur d’un mur entier sur base d’une seule brique suscite également son lot d’approximations.

En Wallonie, les statuts réglementaires autour de la couleur restent donc extrêmement vagues et rudimentaires. En prenant un peu de recul, le chercheur observait que ces imprécisions sclérosaient également les documents officiels à l’échelle européenne. L’outil le plus souvent convoqué reste une charte colorimétrique dressée sur base d’échantillons de couleurs propres à une rue, une ville ou un pays. Charte qui reste sujette à un examen visuel, qualitatif. Quant à l’usage d’un colorimètre, qui livre des coordonnées colorimétriques très précises, il ne peut le faire que sur une très petite surface d’une façade, et ne rend pas compte d’une couleur « moyenne » ou dominante d’un mur.

« En réaction à ce constat, je me suis donc posé une première question, qui allait alimenter ma recherche à l’échelle des villes. Comment pourrait-on proposer une méthode de caractérisation objective de la couleur ? » Il n’est encore nullement question de proposer un outil d’assistance à la réglementation communale. L’enjeu est alors tout à fait fondamental. Comment migrer, en architecture, d’une appréciation qualitative de la couleur à une approche quantitative ?

(1) NGUYN LN., TELLER J.,Color in the urban environment: A user-oriented protocol for chromatic characterization and the development of a parametric typology, Color Research and Application, 2016

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