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Jeux vidéo et livre
13/01/2016

Jeu vidéo et livre est le deuxième volet d’une réflexion collective sur le jeu vidéo comme objet culturel. Un média riche, et dont le champ de recherche reste encore à bien des endroits en friche. Hybride dans sa forme comme dans ses fonctions, le jeu vidéo est un objet qui se cherche et qui se pense, mais qui pousse aussi la sphère académique à repositionner ses perspectives et à se remettre en question pour mieux l’approcher et mieux le comprendre. Entre le jeu, le cinéma, la bande dessinée, la littérature, comment les espaces vidéoludiques se définissent-t-il ? Comment les fictions se racontent-elles ? Comment la figure du livre est-elle invoquée, et comment à son tour le jeu vidéo oriente-t-il de nouvelles pratiques d’écritures et de lectures ? Et qui sont ces joueurs qui consomment ces jeux vidéo ? Quel est leur profil, coincé quelque part entre celui du récepteur et celui de l’acteur, entre le joueur et le personnage plongé dans un univers fictif ? Dans une discipline encore jeune, où chacun vient avec son propre regard, l’ouvrage Jeu vidéo et livre publié électroniquement sous la direction de Fanny Barnabé et de Björn-Olav Dozo, pose les jalons d’une nouvelle perspective de recherche, où les concepts et les idées sont à inventer, où les débats sont à ouvrir.

COVER Livre jeux videoEt si le jeu vidéo était un art ? La question pourrait susciter les réactions les plus hostiles comme les plus enthousiastes. Une question qui se pose avec beaucoup de sérieux, et qui ne se cherche pas de réponse définitive à travers les pages de Jeu vidéo et livre(1), un ouvrage collectif publié numériquement chez Bebooks, et regroupant 17 articles sous la direction éditoriale de Fanny Barnabé et de Björn-Olav Dozo, de la Faculté de Philosophies et Lettres de l’ULg. Si au terme de la lecture, on ne peut échafauder qu’un avis très subjectif sur le statut artistique du jeu vidéo, l’ouvrage le consacre et l’ancre en objet culturel. « Les rapports entre jeu vidéo et livre ont été étonnamment peu étudiés, s’étonne Fanny Barnabé. Les jeux vidéo sont bien sûr étudiés dans les milieux académiques, mais sous les perspectives de leur pratique, ou de questions plus techniques ». L’amorce, cette fois, est d’y dépeindre les phénomènes d’hybridation avec le livre et de déterminer sur l’objet un regard, une perspective et une grille d’analyse résolument littéraires. Mais ce point de départ est peut-être l’un des seuls points de comparaison entre les différents articles, qui empruntent des chemins bien différents pour approcher cette frontière entre jeu vidéo et livre. Une liberté que peuvent s’autoriser les chercheurs dans un terrain encore en friche, où (presque) tout reste à penser et à écrire. En définitive, l’ouvrage invoque un arsenal scientifique large. Les questions posées sont internes aux games studies, les études du jeu, mais offrent des détours notamment par la narratologie, la poétique, la sémiotique, les théories de la réception, l’analyse comparative des médias et la sociologie de la littérature.

Un contexte de recherche plus large que prévu

Quand le jeu vidéo est abordé dans les discussions de couloirs de la Faculté, la question de la légitimité d’un tel objet de recherche scientifique se pose encore. Bien sûr, il y a les préjugés portés par une communauté davantage portée vers le domaine littéraire. « Au moment où on a lancé l’appel à contribution, en 2013, se souvient Björn-Olav Dozo, un journaliste de Libération critiquait la démarche et s’étonnait que l’on puisse rapprocher Mario de Marguerite Duras, assénant qu’ils n’avaient rien à faire ensemble et qu’il n’y avait aucune raison de s’interroger là-dessus.» Si l’angle de l’ouvrage et la critique cinglante de Libération semblent consacrer les deux chercheurs en pionniers, il faut y apporter une nuance. Le positionnement qu’ils adoptent est neuf, mais le champ d’étude leur préexiste. « Avant de commencer mon mémoire sur les jeux vidéo en 2012, confie Fanny Barnabé, je pensais pouvoir tout inventer. Mais il y a, principalement aux Etats-Unis, un foisonnement important de recherches en games studies, depuis le début des années 2000. Le genre lui-même n’est pas embryonnaire puisqu’il remonte aux années 1980. Et aujourd’hui, le nombre de mémoires, de thèses, de recherches et de colloques qui sont lancés sur le sujet explose. »

Il a suffi que les deux chercheurs entrouvrent la porte de ce monde en effervescence pour que la vague déferle. « Initialement, nous avions lancé l’appel à communication pour consacrer un numéro de la revue Mémoires du Livre(2) sur cette dynamique entre les livres et les jeux vidéo, précise Bjorn-Olav Dozo. Et nous avons reçu près de 70 propositions de Belgique, de France et du Canada, ce qui n’arrive pratiquement jamais. Ecrémer autant de candidatures pour arriver à un seul ouvrage nous semblait impossible, et nous avons décidé de garder une trentaine de textes. Même s’il suscite un véritable engouement, ce champ de recherche reste à penser. Il était utile de commencer à baliser le terrain, à lancer une série de pistes, à construire et proposer des positions, quitte à ce que certaines soient plus prometteuses, et que d’autres permettent d’ouvrir le débat et soient par la suite renégociées. » Une dizaine d’articles abordaient l’hybridation des deux médias depuis le livre, et ont été publiés dans la revue. Les autres entamaient leur itinéraire réflexif depuis le jeu vidéo, et composent le présent ouvrage.

(1) Fanny Barnabé, Björn-Olav Dozo (dir.), Jeu vidéo et livre, Bebooks, 2015
(2) Fanny Barnabé, Björn-Olav Dozo, Mémoires du livre, n°5-2, "Livre et jeu vidéo", Érudit, 201

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