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Guérir de l’arthrose grâce au champignon de Paris
17/11/2015
Selon les dernières données publiées par l’Organisation mondiale de la santé, on estime qu’entre 2015 et 2050, la proportion des plus de 60 ans dans le monde va presque doubler, passant de 12% à 22%. Derrière cette statistique, se cachent de véritables défis car le vieillissement progressif de la population entraîne des conséquences très pratiques sur la vie quotidienne et sur l’organisation de la société en général. Toute la question étant de savoir si l’on vieillit en bonne santé ou non. Parmi ceux et celles qui rentrent dans la deuxième catégorie, il y a les personnes qui souffrent d’arthrose. Maladie articulaire la plus répandue, elle toucherait 15% de la population mondiale, 18 millions d’Européens en 2006 et un Belge sur trois en serait victime. A ce jour, il est possible d’atténuer la douleur ou de pallier la perte de mobilité occasionnée mais aucun traitement ne permet de véritablement soigner l’arthrose. C’est ici que la thèse réalisée par Frédéric Oprenyeszk, de l’Unité de recherche sur l’os et le cartilage (UROC – Pr Y Henrotin) de l’Université de Liège, prend toute son importance. Les résultats obtenus, qui ont fait l’objet d’une publication dans PLOS ONE (1), montrent en effet que le chitosan, composé végétal naturellement contenu dans le pied du champignon de Paris, serait la clé d’une régénérescence du liquide synovial duquel dépend la bonne santé du cartilage. Pour le démontrer, des cellules malades de patients volontaires ont été utilisées et mises en contact avec une matrice enrichie en chitosan. Cette avancée scientifique s’inscrit dans le cadre plus large d’une collaboration fructueuse entre monde universitaire et industriel(2).
Afin de bien appréhender l’étude réalisée par Frédéric Oprenyeszk, de l’Unité de recherche sur l’os et le cartilage (UROC -Pr Yves Henrotin) il convient de revenir sur l’arthrose. Cette pathologie ne se manifeste pas seulement par la souffrance. En effet, la douleur est en réalité l’expression d’une dégénérescence progressive des articulations. C’est pourquoi, ainsi que l’explique le Professeur Yves Henrotin, directeur de l’UROC, « en termes de dégradation, on estime qu’à 65 ans, et selon des critères radiologiques, il y a à peu près 70% des gens qui présentent des signes d’arthrose ». Bien entendu, cette proportion augmente encore avec l’âge. Ceci a un impact socio-économique très important, en particulier dans les pays riches où le vieillissement représente désormais un véritable enjeu de société. Une étude récente a mis en lumière qu’en 2007 le coût total généré par cette maladie aux Etats-Unis avait atteint 86,2 milliards de dollars. A l’heure où les bienfaits de la retraite active sont mis en avant, celle-ci pâtit déjà d’une sédentarisation forcée causée par l’arthrose notamment. En outre, la recherche a pu mettre en évidence un lien entre le fait de souffrir d’arthrose et le fait de développer d’autres problèmes de santé tels que le diabète, l’obésité mais aussi des maladies cardio-vasculaires. On sait désormais que la sédentarité imposée par l’arthrose est un facteur de risque supplémentaire de mortalité chez les patients ayant au préalable des problèmes cardio-vasculaires. Il est donc primordial d’assurer une prise en charge digne de ce nom. Or, à ce jour, on ne guérit pas de l’arthrose. On peut seulement améliorer « le statut algofonctionnel c’est-à-dire atténuer la douleur et les répercussions de la douleur sur les mouvements. On ne traite actuellement que les symptômes et non les modifications structurelles et métaboliques qui s’intensifient au cours de la maladie. Ce traitement symptomatique est surtout dominé par les antalgiques, les anti-inflammatoires. » Ces traitements comportent un inconvénient majeur : ils présentent des effets secondaires graves voire mortels(3). Ceux-ci ont une incidence d’autant plus forte que l’arthrose touche des personnes âgées essentiellement, c’est-à-dire des sujets fragiles. En effet, parce qu’à partir d’un certain âge les fonctions rénales s’affaiblissent, l’élimination des substances toxiques est ralentie. Les séniors sont aujourd’hui les plus grands consommateurs de ce type de médicaments. Ils les prennent la plupart du temps sur le long terme puisqu’il s’agit de soulager des douleurs chroniques comme celles provoquées par l’arthrose.
![Arthrose genou. Arthrose genou]()
D’où la nécessité de trouver des traitements sains, des traitements de fond qui vont protéger les tissus ou « modifier de façon positive leur métabolisme pour qu’ils cessent de se dégrader ». Par tissus, il faut entendre le cartilage en particulier qui recouvre les articulations mais aussi la membrane synoviale. C’est cette dernière qui va connaître une réaction inflammatoire à l’origine de la douleur. Schématiquement, le processus de dégradation de l’articulation peut se résumer de la manière suivante : l’articulation et les extrémités osseuses sont couvertes par du cartilage lequel est nourri en grande partie par le fluide synovial. Ce liquide est produit par la membrane synoviale. Lorsqu’une inflammation survient, de nombreux facteurs sont alors libérés dans l’articulation et vont dégrader ce fluide, d’où une dégénérescence du cartilage et donc de l’articulation.
(1) Chitosan enriched three-dimensional matrix reduces inflammatory and catabolic mediators production by human chondrocytes, Oprenyeszk Frédéric, Sanchez Christelle, Dubuc Jean-Emile, Maquet Véronique, Henrist Catherine, Compère Philippe, Henrotin Yves, in PLOS ONE, 2015, Réf. ORBI : http://hdl.handle.net/2268/182363 (2) Deux brevets ont été déposés suite aux recherches menées conjointement par les équipes du Professeur Henrotin d’une part, et la firme KitoZyme, producteurs de chitosan végétal d’autre part. Dans la foulée, en 2012, une spin-off, Synolyne, est créée par le Professeur Henrotin pour exploiter ces brevets. Enfin, en 2014, KitoZyme et Synolyne fusionnent pour donner Synolyne Pharma, un des leaders mondiaux de la production et de la transformation médicale de chitosan végétal. (3) Le paracétamol par exemple peut entraîner des problèmes sanguins, des complications gastro-intestinales et/ou rénales, des nécroses hépatiques ou tubulaires. D’une façon générale, les effets secondaires des anti-inflammatoires se font sentir au niveau du tube digestif, du foie et des reins.
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