L’insoupçonné herpèsvirus de la tortue
En se penchant sur une thématique de recherche peu prisée dans le monde scientifique, Frédéric Gandar, doctorant à l’Université de Liège, et son promoteur de thèse Alain Vanderplasschen, ont eu une bonne intuition. L’étude de l’herpèsvirus testudinin 3 (Testudinid herpesvirus 3 en anglais, TeHV-3), un herpèsvirus causant des mortalités importantes chez plusieurs espèces de tortues terrestres protégées (dont la tortue d’Hermann) leurs ont permis de nombreuses découvertes, ainsi que la « une » de la revue Journal of Virology(1). Ainsi, jusqu’à aujourd’hui, les quelques 250 génomes d’herpèsvirus étudiés – on en retrouve tant chez les huitres que chez les hommes – se répartissaient tous autour de six structures génomiques distinctes. Tous, sauf… l’herpèsvirus testudinin 3. Frédéric Gandar et Alain Vanderplasschen n’osaient y croire, mais ils venaient en fait de découvrir une nouvelle structure de génome d’herpèsvirus. La septième. Les livres de référence en virologie vont devoir être adaptés ! Sans compter d’autres découvertes en matière d’immuno-évasion ou de phylogénie des espèces. Les chercheurs, eux, sont désormais en route vers l’élaboration d’un vaccin, qui pourrait permettre de contrer cette maladie qui décime ces tortues en voie de disparition. Quand collection rime avec propagationLes premières descriptions de cette maladie dans la littérature scientifique remontent aux années 1980. Sa propagation s’est sans doute accélérée en même temps que les collections de ces reptiles terrestres vivant essentiellement dans le bassin méditerranéen. Les amateurs n’hésitent pas à débourser 200 à 250 euros pour une espèce classique, voire près de 1.500 euros pour certains spécimens. Voilà pour les tarifs pratiqués dans les filières officielles. Or il existe également un marché parallèle. D’insouciants touristes en achètent au coin d’une rue en vacances, lorsqu’ils n’en ramassent pas au bord de la route pour les ramener dans leur valise. Ignorant qu’elles sont infectées. Résultat, le virus voyage. Beaucoup plus vite que s’il s’était propagé naturellement. « Les gens l’ignorent souvent, mais pas mal d’espèces souffrent d’être devenues des animaux de collection, pointe Alain Vanderplasschen. Certaines maladies deviennent mondiales alors que si elles avaient évolué au rythme de la nature, cela aurait été bien plus lent et l’espèce aurait peut-être eu le temps de s’y adapter. Sans oublier que des espèces très différentes se rencontrent artificiellement. Tous ces mélanges dans les terrariums… Comme si on réunissait un caribou et un crocodile ! Il n’est pas impossible que ce qui se passe pour les tortues Testudo soit l’expression de la non-adaptation d’un virus à un nouvel hôte et donc les conséquences d’un transfert récent d’un virus d’une espèce animale à une autre ». ![]() (1) Gandar F., Wilkie G., Gatherer D., Kerr K., Marlier D., Diez M., Marschang R., Mast J., Dewals B., Davison A., Vanderplasschen A., The genome of a tortoise herpesvirus (Testudinid Herpesvirus 3) has a novel structure and contains a large region that is not required for replication in vitro or virulence in vivo. Journal of Virology, 89, 22, october 2015. |
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