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Quand le phytoplancton devient Monsieur Météo
19/10/2015

Froid, mais pas trop

prelevement phytoplanctonEvidemment, 32 ans de données ne s’étudient pas du jour au lendemain. « Cela m’a pris vraiment beaucoup de temps ! » Si la chercheuse n’effectue plus systématiquement elle-même les prélèvements depuis 2005 (il sont réalisés en collaboration avec la société française qui gère Stareso depuis la fin des années 1980), c’est par contre elle qui procède à toutes les analyses. Pas au microscope : il lui faudrait alors une éternité, le temps nécessaire au traitement des échantillons étant bien trop long. Mais en utilisant une méthode alternative, dite « des pigments ». La signature pigmentaire du phytoplancton permet d’identifier les principaux groupes phytoplanctoniques présents dans un échantillon. À partir de là, un traitement de données assez complexe sert à déterminer la composition du phytoplancton, la biomasse des différents groupes, les classes de taille présentes, etc.

Pour se développer de manière optimale dans la baie de Calvi, le phytoplancton se sentira comme un poisson dans l’eau lors des hivers modérés. Ni trop doux, ni trop froids, venteux mais pas trop. S’il doit au contraire subir une période trop chaude, les sels nutritifs ne seront pas rapatriés à la surface. Et si le vent est trop fort, son « engrais » remontera bien des profondeurs. Mais les échanges avec le large seront renforcés et le phytoplancton ne se développera pas dans la baie ....

Les analyses d’Anne Goffart permettent de dégager trois tendances, trois cycles décennaux.
D’abord, dans les années 1980, les hivers se révèlent relativement modérés, situation idéale pour le phytoplancton. Ensuite, de 1989 à 1998, les hivers sont quasi inexistants. C’est à cette période que les hypothèses du réchauffement de la Méditerranée commencent à être formulées. Enfin, de 1999 à 2011, les périodes hivernales se suivent sans se ressembler. Les minimas succèdent aux maximas, les extrêmes s’amplifient. Les données récoltées après 2011 semblent le confirmer. Le réchauffement de la Méditerranée n’est peut-être plus si marqué que par le passé.

Feeling de terrain

Ces résultats ont été récemment publiés dans la revue Progress in Oceanography. « Si je m’étais contentée de faire des moyennes ou de tout entrer dans un programme statistique, rien ne serait ressorti. Il fallait vraiment regarder les données. Le feeling de terrain m’a aidée : comme j’étais sur place, je savais qu’il y avait des années lors desquelles je n’avais pas mis un pull de tout l’hiver et d’autres où j’avais plus froid qu’en Belgique ! » Pour Anne Goffart, cette étude démontre l’importance de Stareso. Car dans cette station, l’accès à la mer est direct et de petites embarcations permettent de réaliser les prélèvements tout au long de l’année. Alors qu’au large, le travail à la mer nécessite de gros moyens et est majoritairement effectué en été, météo oblige. Mais les données peuvent s’en retrouver biaisées puisqu’elles mettent l’hiver de côté.

Ces trois périodes décennales successives se constatent-elles dans d’autres régions de la Méditerranée ? L’océanologue tente désormais de répondre à cette question, en compagnie de collègues qui travaillent notamment sur le zooplancton, « l’étage » supérieur dans la chaîne alimentaire. « On va essayer de rassembler toutes les données et d’étendre nos conclusions dans un contexte beaucoup plus global ». Par ailleurs, les spécialistes considèrent que la Méditerranée est un modèle réduit de l’océan mondial. On y retrouve toutes sortes de « cas de figure », mais à une échelle réduite, donc plus facilement accessible.

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